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temporel sont d’aveugles, de faux, d’injustes logiciens, qui fondent ce qu’ils appellent leur liberté particulière sur l’oppression permanente d’une population sacrifiée. Quand M. de Cavour a prononcé sa grande parole, l’église libre dans l’état libre, il a pensé et s’est exprimé comme une intelligence française, car c’est la France de 1789 qui, la première, a eu la conception claire et pénétrante du principe qui peut faire vivre en paix les croyances religieuses et la liberté. L’exercice complet du catholicisme à la faveur des libertés de droit commun n’est plus à notre époque une visée théorique, c’est un fait d’expérience pleinement réalisé maintenant en Angleterre et aux États-Unis. Et c’est à la France qu’on ose conseiller d’opposer à ce noble idéal de l’émancipation de la conscience religieuse un veto perpétuel ! C’est pour prolonger un conflit impie et barbare entre un grand culte et les franchises de la liberté moderne qu’on voudrait sacrifier l’existence d’un peuple dont la résurrection a été un des efforts les plus louables de notre temps ! On peut dire de la majorité de la chambre, qui a semblé prononcer contre les aspirations de l’Italie vers Rome une interdiction absolue, ce que Pascal disait des délibérations de la Sorbonne : Les moines ne sont pas des raisons.

Au point de vue des idées, deux conséquences résultent du débat de l’affaire romaine : si nous nous engagions dans le système absolu de la conservation du pouvoir temporel par la force de la France, la première de ces conséquences serait que nous nous mettrions en contradiction avec les principes de la révolution française, la seconde que nous nous mettrions en dissentiment avec les sociétés politiques les plus vivaces et les plus puissantes de l’ancien et du nouveau monde. Nous nous diviserions contre nous-mêmes ; nous nous isolerions de la marche générale de l’humanité civilisée. Au dedans et au-dehors, le résultat serait funeste. Au dedans, nous donnerions pour un temps la prépondérance politique à ce mélange de traditions, de routines, de prétentions d’ancien régime et d’esprit clérical qui subsistent toujours en France, et dont des succès imprévus auraient bientôt ranimé la présomption infatuée ; au dehors, nous n’aurions plus d’alliés. Ces conséquences sont effrayantes ; elles découlent de l’esprit qui a prévalu dans la discussion législative. Cependant nous nous refusons à croire qu’elles aient été aperçues et qu’elles soient voulues par les orateurs, séduits par l’entraînement des circonstances. Aussi, suivant nous, serait-il impolitique de prendre trop vivement à partie et de pousser par une contradiction véhémente dans une obstination plus irritée les défenseurs exagérés du pouvoir temporel. Il faut admettre pour quelques-uns de ces ardens apologistes de la papauté des circonstances atténuantes. M. Thiers, par exemple, est irréfutable quand il signale le décousu de la conduite du pouvoir, quand il manifeste l’état d’esprit éperdu où nous ont amenés ses mécomptes et les incohérences de la direction des affaires, quand il demande