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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/1034

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d’association pour le maintien de la constitution de l’empire une alliance des trois électorats évangéliques de Brandebourg, de Hanovre et de Saxe. Plusieurs états de l’empire, protestans ou catholiques, ne tardaient pas à y entrer, et l’accession du prince électeur de Mayence, archichancelier de l’empire, achevait de donner à cette union un caractère essentiellement conservateur. De quoi s’agissait-il en effet ? d’opposer une digue à l’ambition envahissante de l’Autriche et plus spécialement d’enlever la Bavière aux mains de l’empereur Joseph II, déjà étendues pour la saisir. Rien donc de moins révolutionnaire en apparence que cet acte de la diplomatie prussienne ; en réalité, il devait avoir une portée immense. Le but dissimulé, mais direct, auquel il tendait, n’était rien moins que l’affranchissement des états de l’Allemagne et l’anéantissement de la prépondérance autrichienne ; il assurait à la Prusse un légitime ascendant, il en faisait la protectrice et le refuge des petits états ; en mettant à sa disposition la pluralité des voix dans la diète des électeurs, il faisait dépendre de sa volonté la conservation de l’empire, la déchéance de la maison d’Autriche, et, s’il lui plaisait, l’élévation de la maison de Brandebourg à la dignité impériale. Bref, il s’agissait de subordonner l’empire à la Prusse, sinon de le lui transférer ou de le détruire, et dans tous les cas de substituer à la suprématie de l’Autriche une confédération sous la direction souveraine de la Prusse. Ces conséquences étaient voulues et prévues par Frédéric ; des documens pleins d’intérêt, cités par M. Schmidt, et en particulier le texte des articles secrets que Frédéric II avait fait signer séparément aux trois électeurs, ne laissent à cet égard aucun doute. Cette alliance suscita une polémique des plus vives. Un chevalier de Gemmingen publia, dans l’intérêt de l’Autriche, une brochure à laquelle Frédéric crut devoir répondre ; Dohm fut chargé de rédiger une autre brochure, et le ministre du cabinet, Hertzberg, en revit lui-même les épreuves. Frédéric travaillait à conclure des conventions militaires avec chacun de ses confédérés, lorsqu’il mourut. Quoiqu’un nouveau membre, l’état de Mecklembourg-Strélitz, fût encore entré dans l’association le 1er juillet 1789, elle languissait depuis la mort de son fondateur et fut définitivement enterrée en 1791. Les projet ne fut repris qu’en 1806, et, chose curieuse, il le fut par Napoléon Ier.

Si ennemi qu’il soit des chimères, M. A. Schmidt a la sienne ; il est entiché plus que de raison de la beauté du titre impérial. On le voit assez au regret mal caché qu’il éprouve que dès 1785 Frédéric II ne se fût pas emparé de l’empire, surtout à la candeur avec laquelle il prend au sérieux les avances de Napoléon à Frédéric-Guillaume III et l’invitation qu’il lui adresse au mois de juillet 1806, en lui notifiant la dissolution de l’empire germanique et la formation de la confédération du Rhin, d’en former une des états du nord et de faire entrer dans sa maison la couronne impériale. Il faut en vérité plus que de l’ingénuité pour compter