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dépendrait désormais d’une autre suzeraine. L’église chrétienne marchait à pas rapides vers la suprématie que les événemens, l’habileté de ses évêques et sa force morale lui assuraient au milieu de la dissolution universelle. La religion juive, comme puissance historique, était depuis longtemps distancée par sa fille évangélique, et de là sans doute la tranquillité relative avec laquelle le judaïsme traversa les périodes orageuses qui mirent plus d’une fois en question l’existence même de l’église chrétienne. Constantin, devenu maître de l’empire, tint d’abord la main à ce que la liberté religieuse proclamée par lui fût respectée vis-à-vis des Juifs comme de tous les autres. Le patriarche juif fut officiellement traité sur le même pied qu’un haut dignitaire de l’église chrétienne, et reçut dans les actes publics les titres d’illustris, spectabilis, clarissimus. Toutefois l’influence cléricale, de plus en plus puissante à la cour de Byzance, ne tarda pas à faire sentir aux Juifs leur état de dépendance. L’ordonnance d’Adrien leur interdisant le séjour de Jérusalem, — qui avait repris son ancien nom, — fut renouvelée. Un Juif converti, du nom de Joseph, couvrit de temples chrétiens la Galilée, où jusqu’alors le christianisme n’avait jeté que de faibles racines. Sous Constance (337-361), le sort des Juifs empira au point de provoquer une insurrection, du reste promptement comprimée. Leurs espérances se réveillèrent sous Julien. Non-seulement cet empereur romantique aimait par principe à favoriser les vieilles religions aux dépens de la nouvelle, mais de plus il est à croire qu’à la veille de déclarer la guerre aux Perses Julien attachait une importance réelle à se concilier les sympathies des Juifs de Palestine et par ricochet des Juifs des bords de l’Euphrate.

Un étrange incident marqua les rapports de Julien avec les Juifs. Une idée, sans aucun fondement réel dans le Nouveau Testament, s’était introduite dans les croyances chrétiennes populaires, l’idée que le temple juif de Jérusalem, condamné par les décrets du ciel, ne serait jamais relevé. Julien, pour faire pièce aux chrétiens et plaisir aux Juifs, donna des ordres formels pour qu’on le rebâtit sans retard. Il aimait ce culte lévitique qui, par ses immolations d’animaux et ses pompes sacerdotales, se rapprochait tant des cultes polythéistes. La courte durée de son règne ne lui permit pas de mener à bien cette entreprise. Les historiens chrétiens contemporains affirment que des flammes fulgurantes sortirent de terre sous les coups de pioche des ouvriers qui creusaient les fondemens de l’édifice projeté, et les effrayèrent au point qu’ils refusèrent de continuer les travaux. Évidemment la légende déploie ici sa complaisance ordinaire. Cependant M. Graetz ne nie pas précisément le phénomène. Il pense que les gaz inflammables comprimés dans les