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de l’Euphrate. Sans doute des affirmations aussi contraires à toutes les idées du passé ne furent le partage que d’un très petit nombre ; mais la décadence continue de la population juive en Palestine, la victoire du christianisme, les suites funestes qu’elle eut pour le prestige et la liberté du judaïsme occidental, finirent par amener une situation de fait qui répondait presque à ces théories passablement rationalistes.

De là vint que parallèlement au Talmud Jeruschalemi ou doctrine traditionnelle de Jérusalem se forma le Talmud Babli ou Talmud de Babylone. Un jour arriva où les Juifs babyloniens, longtemps plus mondains et, dirait-on, plus sceptiques, se trouvèrent tout aussi imprégnés de rabbinisme que ceux de Judée. Les écoles de Pumbadita et de Syra virent affluer les élèves-rabbins par centaines. Les princes de l’exil eux-mêmes se mêlèrent de rabbiniser. Les docteurs babyloniens dépassèrent leurs confrères de Palestine en formalisme et en subtilité. Comme eux, ils s’en tinrent longtemps à l’enseignement oral ; mais, comme eux aussi, ils se virent à la fin forcés de recourir à l’écriture. Ce ne fut pas le christianisme vainqueur qui leur fit craindre que les persécutions, en dispersant et en tuant les dépositaires de la tradition sacrée, ne la condamnassent à l’oubli, ce fut le mazdéisme ressuscité avec l’empire perse. Les mages ne leur furent pas plus doux que les évêques catholiques. Sous Firuz (458-467), les synagogues furent détruites et les écoles fermées. C’est ce qui amena vers l’an 500, époque d’une suprême importance pour les destinées du Judaïsme, la codification et la fixation définitive du Talmud Babli.


IV

Pénétrons maintenant dans l’intérieur du judaïsme pour rechercher comment, durant la période que nous venons d’étudier, la religion juive parvient à se constituer sans sacerdoce, sans autel, sur la seule base de l’écriture et de l’enseignement rabbinique. On se souvient qu’au lendemain même de la prise de Jérusalem par Titus le vieux Jochanan reconstituait à Jamnia un sanhédrin qui, puisant sa légitimité dans la nécessité, vit son autorité reconnue par l’ensemble des communautés juives. À ce sanhédrin était adjointe une école de rabbins qui passa désormais pour le grand canal de la tradition sainte. Sept docteurs célèbres, dits tannaïtes ou répétiteurs (de la tradition), se groupèrent autour de Jochanan et continuèrent la jurisprudence orale des anciens scribes. L’an 80, Jochanan eut pour successeur Gamaliel II, petit-fils de ce Gamaliel qui se