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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/143

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sous les voûtes élancées du Palais de Cristal ? Ce fut là une des causes du succès de l’exposition anglaise. Le pittoresque, loin de nuire à l’utile, lui prêtait un précieux concours. A ceux qui ont vu les bazars d’Orient, celui de Constantinople entre autres, qui, aux richesses accumulées dans les galeries, ajoute le charme d’arcades élégantes et variées, les effets splendides de lumière jaillissant comme un incendie au milieu des brumes bleues de perspectives sans fin, nous n’avons pas à apprendre comment l’industrie et l’art peuvent s’allier. Là, pas un coin qui ne soit un tableau merveilleux ; au Champ de Mars, qui donc pourrait faire un seul croquis ? C’est avec un vif regret que nous avons vu prendre un emplacement si malencontreux pour y élever à grands frais ce hangar immense dont les constructions provisoires coûteront plus cher qu’un palais définitif, car, par une amère ironie, cette bâtisse éphémère est composée des matériaux les plus durables. Le palais n’eût-il pas été mieux placé en face, sur les hauteurs de Passy ? Les visiteurs venant du quai seraient montés de terrasse en terrasse jusqu’au plateau sur lequel il se serait dressé. Les deux quinconces du pont d’Iéna, disposés en jardins, servaient à l’exposition des fleurs, des kiosques, des fontaines, des objets qui ne redoutent pas l’air libre. Ils eussent accompagné les terrasses et les jardins de ce piédestal grandiose. Serres transparentes, jets d’eau et cascades, arbres splendides, fleurs rares, formaient une décoration que venait couronner le temple de l’industrie avec ses escaliers majestueux, ses portiques, ses colonnades, ses statues, ses dômes de cristal et de faïence, étincelans sous le soleil. Une réunion de décorateurs, de paysagistes, de gens de goût, pouvait accomplir aisément cette tâche et imposer ses décisions aux architectes chargés de l’exécuter. La terrasse de Saint-Germain, les rampes et l’escalier de l’Orangerie à Versailles, le Monte-Pincio à Rome, donnent une faible idée de ce qu’on pouvait faire sur ces hauteurs si admirablement disposées. On ne s’explique pas qu’on ait osé détruire cet amphithéâtre magnifique, qu’on ait fait disparaître si maladroitement et à tant de frais ce balcon naturel qui dominait de toute sa hauteur la ville entière. La moitié seulement des millions enfouis dans ces terrassemens en y joignant ceux employés à construire l’exposition, à en disposer les jardins, à créer un chemin de fer spécial, permettait d’exécuter une œuvre permanente, qui aurait ajouté à un utile emploi l’avantage de réaliser le plus beau décor dont Paris pût s’enorgueillir. La construction d’un palais de l’exposition sort d’ailleurs de tous les programmes connus, et on peut y secouer impunément les entraves de l’école. Il serait bien trivial de le mettre au rang d’une halle ou d’un marché, et le titre