Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mode, on chercherait en vain un sens logique, une seule ligne naturelle. Rien n’y laisse deviner la destination de l’objet, ni l’intention de l’artiste. Malheureusement, nous ne le savons que trop, cette nature terne et vague qui nous entoure, ce soleil voilé qui nous éclaire, ne sauraient mettre sous nos yeux la couleur et le dessin que l’Orient montre sans cesse d’une façon nette à ses habitans privilégiés. Raison de plus pour que nous nous mettions à leur école. L’idée ingénieuse de faire de l’écriture un des principaux motifs d’ornementation permet souvent d’assigner la date de ces objets d’une façon très précise. Ainsi sur une de ces lampes nous trouvons l’inscription suivante : « Honneur à notre maître le glorieux sultan El-Zaher Abou-Saïd. Que Dieu lui donne la victoire. » Nous savons que le kalife Zaher régnait en 1497. Ce vase fragile a donc aujourd’hui près de quatre siècles d’existence. Sur une autre est inscrit un beau verset du Coran qui trouve dans la disposition de la lampe même une heureuse application : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Cette lumière ressemble à un flambeau placé dans un cristal, cristal semblable à une étoile brillante entre toutes. »

Le docteur Meymarie, qui habite Le Caire, a eu l’heureuse idée de ramasser les boiseries, portes, volets, morceaux de plafonds et grilles sculptés, provenant de la mosquée El-Teyloun, qui date des premiers temps de l’islamisme. L’antiquité, la belle architecture et les détails décoratifs de ce monument donnent à tout ce qui en vient une grande importance. En réparant certaines parties du mirab ou sanctuaire, on avait abattu et jeté parmi les gravats une foule de détails ravissans, où des nielles de nacre, d’ivoire et d’ambre se mêlent au cèdre et à l’ébène. M. Meymarie a recueilli et sauvé ces débris. L’histoire et la description exacte de cette mosquée sembleraient arrangées à plaisir, comme un conte de fées. Les pierres précieuses et entre autres d’énormes turquoises, la pierre des guerriers, ornaient la chaire et la niche sainte. Ces turquoises, qui depuis la vieille époque égyptienne décorent les objets de luxe, ne proviennent ni de la Turquie ni de la Perse, comme on le croit généralement, et nous pouvons visiter au palais même du Champ de Mars un des curieux rochers qui les contiennent. Le gisement principal vient d’être retrouvé en plein désert d’Afrique, dans l’est, à une journée des bords de la Mer-Rouge et à deux du golfe de l’Akaba. C’est un vaste plateau hérissé de masses granitiques et de pics de grès ferrugineux. Dans ces derniers, élevés de 100 à 250 mètres au-dessus de la vallée, se trouvent les turquoises, enfermées dans le roc comme une amande dans son noyau. A l’aide de la mine, on fait sauter le grès, et dans les fragmens se ramassent