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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/158

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cette grande exhibition ne nous montre aucun progrès dans les diverses fabrications, la céramique exceptée. Le goût depuis 1862, au lieu de s’épurer, n’a fait que s’abâtardir encore. C’est toujours le même désordre dans les procédés, le même esprit faussé par l’abus d’un luxe fastidieux. Décorateurs ou dessinateurs industriels se fourvoient de plus en plus. Bronzes, cristaux, châles, étoffes ou meubles, succombent sous une abondance déréglée d’ornemens. Rien de vrai, de sain, d’élevé, toujours des compilations indigestes, des amalgames insensés. Assurément le beau est plus simple et n’a pas besoin de si prodigieux efforts. Et cet Orient que nous venons de chanter ne subit-il pas lui-même les fâcheuses influences de l’Occident ? Nous sommes frappé de la décadence qui apparaît depuis l’exposition de 1855 dans certains de ses produits. Les châles de Lahore et de Cachemire, grâce aux entrepreneurs et dessinateurs parisiens, ne nous montrent plus que des couleurs ternies, disposées sans art, des formes sans raison d’être manquant absolument de cette simplicité ingénieuse qui repose et égaie l’œil. L’ignorance prétentieuse de ces compositions se révèle aux yeux les moins clairvoyans. La fabrique impériale d’Érékié dans le golfe de Nicomédie perd l’art des étoffes dans cette partie de l’Asie. En voulant imiter Lyon, non-seulement elle dénature le caractère et les traditions du pays, mais encore elle détruit son originalité et son esprit. Ces imitations sont donc aussi malencontreuses qu’anti-nationales. N’en est-il pas de même du honteux abandon de ce beau costume échangé contre notre misérable vêtement ? Nous supplions les fabricans de ces contrées, au nom de leurs intérêts, de reprendre sans hésiter leur ancien savoir-faire. Le moment est mal choisi d’ailleurs pour nous imiter. Nos écoles d’art industriel sont dans une voie déplorable. C’est sur elles qu’il faut énergiquement frapper, si l’on veut conserver la supériorité de l’industrie française. Qu’on les éloigne des grandes villes, où cette jeunesse devient de plus en plus inconsciente de la nature, de la vérité et du juste esprit des choses. C’est à ce prix seulement que la régénération se fera. Les chiffres parfois sont éloquens ; les achats faits aux vitrines d’Europe par les visiteurs de l’exposition sont loin d’égaler en importance les ventes de l’Inde, du Japon, de la Perse et de la Turquie. C’est par millions qu’il faut compter ces dernières.

De cette promenade au milieu de la fabrication orientale, quelle déduction devons-nous tirer lorsque nous parcourons la partie européenne de l’exposition ? C’est que dans la première le goût se trouve presque toujours, tandis que dans la seconde, à part quelques fabricans qui s’inspirent des vrais principes parce qu’ils ont vu ou étudié l’Orient, le plus grand nombre, malgré des dépenses, des efforts et un talent incontestables, est en dehors de la route. Ce