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de Raphaël, — qui ne le sait de reste ? — ne se portent ni sur l’ordre de sentimens ni sur les faits qu’affectionnera surtout Rubens, pas plus que le style d’Holbein ne ressemble au style de Vélasquez ou la manière de Ruisdaël à celle de Claude le Lorrain. Pourtant, si différentes qu’en soient les formes, il y a cela de commun entre les monumens dus au génie de ces grands artistes qu’ils ont tous pour fondement un souvenir direct de la nature, qu’ils tendent tous à faire prévaloir un genre de vérité : vérité épique ou familière, physique ou morale, nature imitée de loin dans les lignes architectoniques ou fidèlement reproduite avec le ciseau ou le pinceau, mais en tout cas intervenant l’une et l’autre à titre d’élément indispensable pour vivifier des apparences immobiles et donner à l’artifice lui-même sa raison d’être.

Voilà donc un premier point hors de contestation : l’art n’a de sens, de droits et de portée qu’autant qu’il procède de la nature. S’ensuit-il qu’il n’ait rien de plus à obtenir d’elle et à nous livrer qu’une simple effigie, une contre-épreuve ? Autant vaudrait réduire la fonction de la poésie à l’office du procès-verbal. Si l’art n’avait pour objet que la copie textuelle de la réalité, l’œuvre la plus admirable serait celle où l’artiste se montrerait le moins, celle où il aurait le plus rigoureusement sacrifié toute émotion personnelle au désir de produire matériellement une illusion. D’où vient pourtant que les portraits peints par Denner avec la volonté et le talent de transcrire jusqu’aux plus minutieux détails de la forme nous intéressent infiniment moins, nous semblent cent fois moins vrais, malgré une irréprochable exactitude, que les images relativement succinctes tracées par le crayon d’Ingres ou par le pinceau de Titien ? Pourquoi n’éprouvons-nous qu’un sentiment de répugnance à l’aspect des figures en cire coloriée, bien autrement vraisemblables de fait, bien autrement conformes à la nature palpable que les surfaces aplaties d’un bas-relief ou que les plans monochromes d’une statue ? C’est que dans les tableaux de Denner comme dans les cires modelées pour les cabinets de curiosités, comme dans ce médaillon de Louis XIV que l’on voit au palais de Versailles, l’imitation, si complète qu’elle soit, n’a pas d’âme ; elle n’aboutit, en raison de l’excessif désintéressement des ouvriers, qu’à un simulacre muet, à une contrefaçon cadavérique de la vie. Plus l’œuvre se rapproche du réel par ses dehors, plus le contraste devient choquant entre la précision sans merci qu’elle étale et ce qu’elle a au fond de négatif, de vide, d’impassible.

Rien de plus nécessaire, on le voit, que de s’entendre sur le sens de ce mot « imitation, » qui, loin d’exprimer l’unique devoir et la fin de l’art, n’en indique au contraire qu’une des conditions et le commencement. Imitation, dans la langue pittoresque, ne signifie