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oppressions, et par l’heur et valeur qui accompagnent vos actions et entreprises, les vouloir secourir et assister d’une partie de vos forces et crédit de concert avec les rois, princes, potentats et républiques alliées et confédérées de la couronne de France, et comme votre majesté leur a fait paraître ci-devant la bonne volonté et sollicitude qu’elle a à leur conservation et liberté, nous pensons, sire, que, vos armées étant employées au milieu de la France où s’est nourrie et épandue la félonie, le plus prompt secours pour combattre en cette province l’insolente ambition de l’Espagnol est l’aide du royaume d’Angleterre, car le mal croît et gagne de jour en jour, et a jà occupé toute votre dite province, ne restant pas de villes de retraite à vos fidèles sujets que Rennes, Ploërmel, Vitré et Malestroit, offrent les gens des trois états assemblés sous votre autorité et permission, leur pays étant remis en liberté, payer et rembourser les frais et dépenses des armées qui seront employées en leur dite libération des Espagnols par les moyens les plus propres que nous pourrons aviser, instituent le sieur de La Bouchetière leur trésorier avec tout pouvoir d’en passer et consentir toute assurance et promesse au nom desdits états[1]. »

Il fallait que l’arrivée des Espagnols en Bretagne et les prétentions qu’affichait Philippe II sur cette province y eussent provoqué une bien vive émotion pour amener les états à souhaiter le secours toujours suspect de l’Angleterre. Ils n’hésitèrent pas cependant, et leur session était à peine terminée que leur trésorier se rendait à Londres avec plein pouvoir de traiter et s’engager au nom des états de Bretagne pour la dépense nécessaire à un armement.

Après s’être concerté avec Beauvais Lanocle, ambassadeur de Henri IV près la reine Elisabeth, La Bouchetière signait le 4 avril 1591 un arrangement avec les ministres de cette princesse, et trois mille Anglais venaient débarquer à Paimpol, pendant que cinq mille Espagnols se fortifiaient à Blavet dans l’espérance de prendre pied sur un littoral qu’ils entendaient bien ne plus quitter. A l’heure des grandes crises, on compromet souvent l’avenir pour échapper aux difficultés présentes. Les deux partis en Bretagne en firent la triste expérience. Tandis que les Espagnols, en s’appuyant sur le duc de Mercœur, travaillaient à s’assurer dans la péninsule des positions inexpugnables, les Anglais faisaient un semblable calcul, et aspiraient à tirer d’une dispendieuse expédition un profit plus sérieux que les indemnités fort incertaines promises à la reine Elisabeth par les états. L’espérance d’occuper Brest leur fit oublier un moment la perte de Calais, et lorsqu’ils eurent rencontré des

  1. Registre des états. Bibliothèque impériale, fonds Blancs-Manteaux, 75,2, séance du 30 décembre 1590.