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majesté ; mais ayant plusieurs fois recherché le remède à leur mal vers Mgr le duc de Vendosme et autres commissaires de votre majesté, et ne l’ayant jamais trouvé, ils ont cru qu’elle aurait agréable qu’ils eussent recours à sa souveraine main, n’étant aucune occasion plus importante pour son service et pour le bien public. La foi si solennellement promise fait espérer aux gens desdits états que votre majesté agréera leurs supplications, et leur accordera lettres portant suppression et révocation du bureau des trésoriers de France en votre dite province. Cependant ils se tiennent assemblés pour recevoir l’honneur de vos commandemens, toujours respectés en cette province très pauvre en effet, mais plus affectionnée que nulle autre au service de son roi[1]. »

Cette noble lettre fut remise à un conseil que dirigeait déjà Richelieu. Elle obtint trois semaines après la réponse suivante : « Très chers et bien amés, nous avons pris en bonne part ce qui nous a été représenté par vos députés, et après les avoir entendus et fait ouïr par notre conseil, sur les propositions et demandes qu’ils avaient charge de nous faire, nous en sommes demeurés contens. Aussi en cette considération, et moyennant les offres spontanées d’une somme de 500,000 livres de votre part, nous avons eu agréable de leur accorder la révocation de l’édit de création des offices de trésoriers de France en notre pays de Bretagne. »

Les états gagnèrent donc leur cause moyennant la promesse d’un gros subside, mais pour quelques années seulement. Quoi qu’il en soit, ils venaient de faire une double expérience qui leur avait réussi. La première, ce fut d’offrir de l’argent comptant pour le retrait de certains édits impopulaires, la seconde, de suspendre le vote du surplus jusqu’à ce qu’il fût fait droit à leurs réclamations. L’année suivante, ils mirent en pratique ce second moyen aux états de Guérande. Ayant subordonné l’octroi du don gratuit à l’accueil qui serait fait à quelques observations consignées dans leurs remontrances, les trois ordres prirent l’engagement d’honneur de s’assembler plus tard au lieu et à la date qu’il plairait au gouverneur d’indiquer, afin d’y reprendre leurs opérations suspendues, ce qui eut lieu en effet à Nantes le 29 avril suivant.

Leur ferme attitude en face du pouvoir recommande certainement à la postérité la mémoire de ces obscurs patriotes, pour lesquels l’histoire n’a pas même une mention ; mais le soin jaloux avec lequel ils défendaient les droits de leur vieille patrie ne profitait point à leur expérience administrative. Nous les avons vus sous le règne de Henri IV refusant de seconder le duc de Sully dans ses efforts pour ouvrir des routes en Bretagne et pour féconder un sol

  1. Registres des états de Nantes, séance du 8 décembre 1623.