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était bien connu qu’à s’assurer une plus entière liberté pour une œuvre de haute justice. Au mois d’août 1626, la France vit s’accomplir simultanément deux actes que Richelieu considérait comme nécessaires à la consolidation de l’autorité royale et à sa sécurité personnelle au milieu de tant d’ennemis. Ce ministre résolut de marier de force l’héritier du trône, qui, dans la prévision alors généralement admise de la mort prochaine du roi, avait osé porter sur Anne d’Autriche des regards audacieux, et de frapper un jeune imprudent qui avait prétendu passer du rôle d’espion à celui de conspirateur. Le duc d’Orléans dut donc épouser à Nantes Mlle de Montpensier, parce que les ennemis du cardinal combattaient ce mariage et qu’il fallait les convaincre d’impuissance ; Chalais dut mourir, si peu dangereux qu’il fût, parce qu’il fallait montrer la hache du bourreau à ces brillans étourdis qui n’avaient pas encore vu couler le sang de par le roi.

Six semaines avant l’exécution du comte de Chalais, quinze jours avant le royal hyménée, au milieu de l’émotion entretenue par l’attente de ces événemens, Louis XIII ouvrit les états de Bretagne entouré d’une cour nombreuse. Il avait à ses côtés Marie de Médicis et la jeune reine, alors en butte aux soupçons de l’époux comme à ceux du monarque. Quand un immense cri de vive le roi vint ébranler le cloître du vieux couvent où se tenait l’assemblée, Anne d’Autriche, pâle et tremblante, crut voir dans cette éclatante manifestation une sorte d’accusation élevée contre elle. À cette acclamation, le front de Louis s’éclaircit un moment, et d’une voix lente il prononça quelques phrases dont le sens était qu’il venait dans cette province pour écarter par sa présence les grands maux dont elle était menacée. Le garde des sceaux de Marillac fut beaucoup plus prolixe sans être beaucoup plus clair. Il disserta longuement sur la manière dont la malveillance ourdit ses complots et trompe quelquefois jusqu’aux plus fidèles. Il traça un sombre tableau de l’abîme au fond duquel tomberaient les peuples, si les grands maux n’étaient détournés par l’œil du roi, « qui est hors de son sceptre, voit et découvre plus loin, sa vigilance l’engageant à des remèdes prompts et puissans proportionnés au mal qu’il sait prévenir et à l’affection qu’il porte au repos public. » Sans affirmer la culpabilité du duc de Vendôme, le ministre déclara au nom du roi que son frère légitimé ne reprendrait jamais le gouvernement de la Bretagne, « quelque issue que puissent avoir ses affaires, » et termina sa harangue en prononçant ces paroles accueillies par d’unanimes applaudissemens : « Le roi veut que vous lui fassiez librement toutes les plaintes sur les moindres choses qui vous blesseront, et si les années précédentes il s’est passé quelque chose qui blesse vos libertés,