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inférer de ce silence qu’il fut le résultat d’un accord tacite fondé sur les dépenses provoquées par la solennité de ces réunions, où se ruinait la noblesse, et dans lesquelles l’usage commençait à s’introduire de voter des gratifications fort considérables aux présidons des trois ordres, au gouverneur de la province et à tous les officiers des états. Ce changement dans la périodicité des sessions ne modifia pas d’ailleurs les attributions et les travaux de l’assemblée, qui votait l’état des dépenses et des recettes pour deux ans, en doublant le chiffre du don gratuit, payable par moitié sur chacun des deux exercices.

Toutes les opérations étaient préparées par des commissions composées de membres des trois ordres[1]. Après la séparation des états, une représentation permanente exerça par délégation, à partir de 1734, une partie de leurs pouvoirs. Cette commission, dont j’aurai à exposer plus tard le mode de constitution définitive, suivait près du gouverneur et du parlement toutes les affaires courantes. Elle arrêtait la répartition des diverses impositions entre les neuf diocèses. Dans chacun de ceux-ci, une sous-commission diocésaine de neuf membres opérait la répartition par paroisse, y surveillait la gestion des receveurs et statuait sur toutes les réclamations en matière d’impôt. Enfin cette sous-commission transmettait à la commission centrale siégeant à Rennes tous les renseignemens propres à éclairer ses travaux comme à préparer ceux des prochains états. Ajoutons qu’avant l’établissement des intendans et des subdélégués la royauté n’avait à opposer aux nombreux agens choisis par l’assemblée provinciale et répandus sur tous les points du territoire que les gouverneurs de ville, munis de pouvoirs plutôt militaires que civils, et les sénéchaux, dont la compétence était moins administrative que judiciaire. Si ce n’était pas là la liberté politique, cette organisation constituait du moins une intervention constante et le plus souvent décisive dans les affaires du pays. Les états de Bretagne auraient donc été une admirable école pour la vie publique, si l’ordre privilégié avait ouvert ses rangs au lieu de les fermer, et cette noblesse se fût trouvée très heureusement préparée pour la crise de 1789, si sa trop grande prépondérance au sein des états n’avait fini par revêtir à ses yeux le caractère d’un droit inviolable.


L. DE CARNE.

  1. Ces commissions étaient au nombre de six et portaient les qualifications suivantes : finances et impositions, — baux et adjudications, — commerce et ouvrages publics, — étapes et casernemens, — domaines et contrôles, — contraventions. — Voyez Droit public de la province de Bretagne, p. 99, in-12, Rennes 1787.