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contre les rochers qui leur barrent le passage, pourquoi la vitesse est en raison de la masse et moindre sur les bords qu’au centre, pourquoi lorsqu’ils se terminent sur un fond plat ils s’étalent en éventail. Rien de plus séduisant que la théorie de Forbes, et pourtant rien de plus contraire à la première apparence, rien de plus difficile à admettre pour quiconque avait fait, par exemple, la promenade classique du Jardin, à quelques lieues de Chamonix. La grande cataracte du glacier de Talèfre, au-dessous du Jardin, avec les franches cassures et le désordre de blocs qu’il présente, ne donne guère l’idée d’une substance plastique. Pour peu d’ailleurs qu’on s’aventure sur quelque pente escarpée et qu’il faille recourir à la hache, on ne tarde pas à s’apercevoir que cette glace est singulièrement résistante. La théorie de Forbes, qui faisait disparaître tant de difficultés, se heurtait contre ce simple aspect des choses.

Le glacier est-il une masse plastique, oui ou non ? Telle était la question qui se posait, et qui devait bientôt conduire à une étude attentive des propriétés intrinsèques de la glace, surtout de la glace formée par la congélation de la neige. Une expérience qui n’avait pas pour objet direct la théorie des glaciers donna l’éveil. Faraday montra qu’un bloc de glace coupé en deux se ressoude, si on en rapproche les parties en les serrant l’une contre l’autre après les avoir exposées à une chaleur suffisante pour que la surface soit humide. Ce fut un trait de lumière pour un autre savant, M. Tyndall. Il fit de son côté des expériences, puis des séjours sur les Alpes, et à peine avait-il vu dans un premier voyage les glaciers de l’Oberland, qu’il corrigeait sur plus d’un point les vues de ses devanciers.

Les expériences de Tyndall sont très connues. Il prit des moules en bois dont le vide figurait une sphère, une lentille, un segment d’anneau. Un bloc de glace comprimée fut placé entre les deux parties du premier de ces moules et soumis à l’action de la presse hydraulique. La glace craqua et se réduisit en morceaux. On continua de presser, et au bout de quelques minutes on sortit du moule une belle sphère de glace pure. On prit ensuite le moule à cavité lenticulaire, on y plaça la sphère qu’on venait d’obtenir, et après un brisement nouveau on retira une lentille de glace. On fit de même avec le moule annulaire, et la lentille devint un segment d’anneau. Toutefois, pour que ces transformations fussent possibles, il fallait que la température de la glace fût voisine du point de fusion. Avec de la glace très froide et par conséquent très sèche, l’expérience ne réussissait pas ; une fois la glace brisée, il n’y avait pas moyen de la ressouder. Rien de plus simple que ces expériences. Ainsi que l’a fort bien indiqué M. Martins, elles diffèrent à peine,