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L'ISRAEL DES ALPES
OU
LES VAUDOIS DU PIEMONT

I.
LES ORIGINES ET LES PREMIERS APÔTRES.

Sur le versant italien des Alpes cottiennes, entre le Mont-Thabor et le Mont-Viso, habite un petit peuple qui ne compte plus aujourd’hui que 30,000 âmes, honorables débris d’un groupe plus nombreux rassemblé sur les deux versans par l’esprit de protestation contre Rome. Séparé des populations voisines par la foi, réformé avant la réforme, la grande révolution religieuse du XVIe siècle le trouva déjà en possession immémoriale d’une forme de christianisme assez semblable à celle qui prévalut alors dans une moitié de l’Europe. Il s’était jusque-là tenu à l’écart, isolé du mouvement universel, réfractaire à l’orthodoxie, adorant et priant à sa manière dans les retraites inaccessibles de ses vallées natales. Sa protestation, d’abord ignorée, perdue dans l’obscurité et le tumulte du moyen âge, longtemps cachée aux regards même de Rome, plus tard combattue et noyée dans des flots de sang, mais toujours debout et vivante, s’était peu à peu mêlée à l’atmosphère morale du monde en se combinant avec d’autres élémens de révolte partout répandus, et avait enfin produit l’explosion qui secoua les fondemens de la vieille église. A peine les nouveaux réformés furent-ils sortis de ce qu’ils appelaient dans leur langage irrité la captivité de Babylone, qu’ils tournèrent avec curiosité leurs regards vers le foyer primitif d’où leur était venue l’étincelle, vers ce petit peuple montagnard qui n’avait pas laissé éteindre la lampe du sanctuaire,