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sud au sein de la confédération dans le cas où il voudrait unanimement y entrer.

Au sud, les adversaires de la confédération du nord sont d’abord les démocrates républicains, assez nombreux dans le Wurtemberg, et les ultramontains extrêmes de la Bavière. Les démocrates veulent une unité fédérative comme en Suisse, mais ils détestent la Prusse parce qu’elle représente le militarisme et l’absolutisme. Ils s’appuient sur l’impopularité du Prussien, qui en effet est souvent rogue et raide, et sur la répugnance des populations à subir le service militaire universel et de nouveaux impôts. Les ultramontains extrêmes sont opposés à la Prusse parce qu’elle est protestante et qu’elle a vaincu l’Autriche, qui était toute dévouée à l’église ; mais, chose curieuse, un grand nombre de catholiques inclinent au contraire vers la Prusse et demandent l’union immédiate du nord et du sud. Tout en regrettant amèrement l’exclusion de l’Autriche, ils se prononcent pour la Prusse, où le gouvernement s’appuie sur le principe d’autorité et ne gêne l’influence catholique ni dans les écoles ni dans la société, ce qui n’est pas toujours le cas dans les états du sud[1]. Le jour où M. de Beust touchera au concordat, les ultramontains en seront réduits à se tourner vers la monarchie protestante de Frédéric II.

A part les dissidences que nous venons d’indiquer, l’immense majorité dans le sud veut l’union avec le nord. M. Varnbühler, ministre du Wurtemberg, en soumettant à la chambre la convention militaire avec la Prusse, indiquait récemment la raison de cet entraînement. La fédération du sud, disait-il, nul n’y songe, personne ne la croyant possible. Les états méridionaux ne peuvent cependant rester isolés. Sur qui donc s’appuyer ? Sur l’Autriche ? Qui oserait le proposer sérieusement ? Reste donc la confédération du nord, dont il faut accepter l’alliance, si l’on ne veut pas trahir la patrie allemande. Ce sentiment est si puissant que la chambre badoise vient de voter à l’unanimité moins une voix le service militaire obligatoire pour tous, cet impôt du sang le plus dur de tous. Rien ne fait mieux

  1. L’évêque de Mayence, M. von Ketteler, vient de faire paraître un livre intitulé : l’Allemagne après la guerre de 1866 (Deutschland nach dem Kriege von 1866), qui a produit une grande sensation dans le monde catholique en Allemagne, et qui développe ces idées. La situation d’un prélat ultramontain défendant dans cet écrit même la doctrine du Syllabus, et d’autre part réclamant l’union immédiate avec la Prusse, est assurément fort étrange au premier abord. Elle est pourtant logique au fond. Les dames du parti féodal prussien n’avaient-elles pas voté un bouclier d’argent à la reine de Naples ? Toute la colère du vénérable évêque est dirigée contre l’empereur des Français, parce qu’il a déchaîné, dit-il, la révolution contre Rome en Italie et contre l’Autriche en Allemagne. Lui seul est cause des succès de la Prusse et de la journée de Sadowa.