Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les doutes. Le gouvernement italien, avec la sagacité qui le distingue dans l’art diplomatique, avec la légitime confiance qu’il a dans les droits de la nation qu’il représente et le sentiment juste qu’il possède du mouvement européen, a tout d’abord accepté le haut arbitrage qu’on proposait à Paris. Nous voulons espérer que par égard pour la puissance française non-seulement les petits états, mais les grands viendront au rendez-vous. L’épiscopale ou dissidente Angleterre, la luthérienne Prusse, la schismatique Russie, ne refuseront point de prendre en considération la question du pouvoir pontifical. La cour de Rome, sous l’impression même des services que le sang français vient de lui rendre, ne peut guère éviter, sur notre demande, de s’aboucher avec l’Europe et d’écouter les projets qu’on aura à présenter. En mettant les choses au mieux, il est donc permis de croire que la conférence demandée par la France se réunira sans qu’aucune des parties réclame d’avance communication du système, sur lequel on sera appelé à délibérer ; mais l’optimisme ne saurait aller plus loin, il ne saurait espérer que, quand on se sera réuni et qu’on se trouvera en présence des propositions pratiques mises en avant, la difficulté sera résolue par un élan général de complaisance et par un consentement unanime.

Ici apparaîtront d’abord les dissentimens d’intérêts, puis l’antagonisme des principes. De quelque bon courage que le cabinet des Tuileries soit doué, il ne peut méconnaître qu’il n’y a pas d’identité d’intérêts sur la question romaine entre les puissances réunies. Le ministère italien, dans sa circulaire du 9 novembre, vient, avec une simplicité et une dignité remarquables, de placer ses revendications sur une base inébranlable. Le général Ménabréa prouve aujourd’hui par son langage et sa conduite que les conseils de la modération sont ceux de la véritable force. Bien loin d’affaiblir l’Italie dans le sentiment de son droit, on voit par la dépêche du 9 novembre que les derniers événemens l’y ont confirmée. M. Ménabréa a posé avec gravité la question romaine. Il y puise la preuve que le but de la convention du 15 septembre a été complètement manqué. Il constate que rien n’a pu jusqu’à présent modifier l’attitude du saint-siège vis-à-vis de l’Italie. Il prend acte de ce fait si anormal que Rome donne aujourd’hui le spectacle d’un gouvernement qui, pour se maintenir, paie une armée composée d’individus de tous les pays, et se croit obligé de recourir à l’intervention étrangère. Il déclare que, si l’Italie doit être un élément d’ordre et de progrès, il est nécessaire de supprimer la cause qui la maintient dans un état permanent d’agitation, et que, pour qu’un tel but soit atteint, des arrangemens qui mettent d’accord les intérêts du saint-siège et ceux de l’Italie sont indispensables. Sauf l’Espagne, quelle est la puissance qui en ce moment pourrait, s’opposer à une pareille conclusion ? L’intérêt russe n’est point de servir le pouvoir pontifical, qui, en ce point animé d’un esprit de justice qu’il faut reconnaître et louer, dénonce et flétrit avec une énergie infati-