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Casoni[1]. À cette communication de M. Rovera, le cardinal Casoni avait répondu le 11 octobre 1806 par une note très laconique portant simplement « que personne ne désirait plus vivement que sa sainteté de donner de nouveaux pasteurs aux églises qui avaient perdu leurs évêques, mais que l’article du concordat qui concédait la nomination aux évêchés ne pouvait être mis à exécution de la part de sa sainteté aussi longtemps qu’on n’aurait pas fait cesser les violations essentielles contre lesquelles sa sainteté avait tant de fois réclamé auprès de sa majesté l’empereur et roi, soit par écrit, soit en lui adressant de vive voix à Paris des représentations détaillées, par suite desquelles sa majesté avait chargé son éminence le cardinal Fesch d’une négociation qui cependant était restée sans résultat[2]. »

La détermination à laquelle venait de s’arrêter le saint-père était de la plus importante gravité. Il n’échappera à personne que cette ressource extrême du refus de l’institution canonique aux évêques nommés par l’empereur était précisément celle à laquelle Pie VII eut plus tard recours pendant sa réclusion à Savone, décision qui motiva à cette époque la convocation du concile national de 1811 par l’empereur, et jeta au sein de l’église française une si grande perturbation. Strictement parlant, le saint-père était toutefois dans son droit. Le concordat italien était un traité comme un autre, un contrat parfaitement synallagmatique qui liait au même degré les deux parties contractantes. Il était parfaitement licite au pape, tandis que le gouvernement italien refusait obstinément de remplir quelques-unes des conditions principales de ce traité, d’ajourner lui-même l’exécution de celles qui lui incombaient personnellement. Pie VII, comme chef de la religion catholique, aurait certainement encouru une grande responsabilité morale, s’il avait fait dépendre l’octroi des bulles qui lui étaient demandées, c’est-à-dire une mesure purement spirituelle et propre à son caractère spirituel de souverain pontife, du plus ou moins de satisfaction donnée à ses intérêts de prince temporel dans la querelle qui était maintenant engagée avec l’empereur. Pie VII ne commettait point une faute, qui eût été si fâcheuse. C’était contre la violation manifeste de quelques-unes des immunités garanties par le concordat italien à l’église catholique qu’il s’armait, en sa qualité de chef de cette église, des droits à lui reconnus par ce même concordat. Au point de vue de l’équité et de la logique, la conduite de saint-père était donc correcte. Était-elle bien avisée ou simplement prudente ? Cela est plus douteux. En cette occasion comme en tant

  1. Lettre de M. Rovera, ministre du culte du royaume d’Italie, au cardinal Casoni, Milan, 13 septembre 1806.
  2. Lettre du cardinal Casoni à M. Rovera, Rome, 11 octobre 1806.