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de cette dignité appartenaient, le premier au frère aîné de Napoléon, devenu roi de Naples, le second au prince Eugène, vice-roi d’Italie. M. de Talleyrand n’eut pas beaucoup de peine à se faire nommer vice-grand-électeur, exerçant en même temps les fonctions d’archichancelier. La conséquence de cette élévation était de lui ôter le portefeuille des affaires étrangères, nécessité qui ne lui paraissait pas très fâcheuse parce qu’elle le débarrassait d’une foule de détails qui commençaient à lui peser. Il se considérait. comme indispensable à l’empereur ; il ne doutait pas que la supériorité de ses talens, soutenue de son titre d’archichancelier, ne lui assurât toujours une influence considérable dans les affaires. Il en était d’autant plus persuadé qu’il croyait avoir puissamment contribué au choix de son successeur, M. de Champagny. M. de Champagny, ministre de l’intérieur, était un homme laborieux, doué de capacités, mais timide, assez faible de caractère, qui ne pouvait trouver sa véritable place qu’au second rang. Ainsi le succès et l’honneur des grandes affaires lui reviendraient toujours, pensait M. de Talleyrand ; mais en cela précisément M. de Talleyrand s’était étrangement trompé. C’était bien cette infériorité relative qui avait déterminé la préférence de l’empereur en faveur de M. de Champagny. Depuis que toutes choses lui avaient si bien réussi, Napoléon en était venu à n’aimer plus employer les hommes trop considérables par leur mérite, gens avec lesquels il faut toujours compter quelque peu. Il était en particulier fatigué d’un ministre sur l’habileté duquel le public était naturellement disposé à reporter le succès de ses négociations. Du jour où le portefeuille des relations extérieures fut remis aux mains de M. de Champagny, l’empereur affecta ostensiblement de ne travailler qu’avec lui ; il n’eut plus avec M. de Talleyrand que les rapports indispensables, et l’ancien ministre fut de toutes les manières averti de n’avoir à intervenir que dans les affaires pour lesquelles il serait spécialement consulté.

A coup sûr, M. de Talleyrand n’avait pas été consulté par M. de Champagny sur la note adressée le 21 août 1807 au cardinal Caprara et que ce dernier venait de transmettre à Rome. Il y régnait une amertume de ton, une crudité d’expressions empruntées aux conversations de l’empereur, mais qui étaient bien éloignées des habitudes épistolaires du prince de Bénévent. « Par une fatalité inexplicable, disait M. de Champagny, ce sont des hommes passionnés et sans connaissances des affaires qui jouissent à Rome d’un grand crédit, qui conseillent et qui dirigent tout. Auprès d’eux, l’ignorance et l’exaltation semblent être des titres de faveur… C’est malgré eux que le bien de la religion s’est fait en Italie. Ils ont laissé perdre la religion en Allemagne, où l’on a