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vous leur avez fait prendre y demeureront fermes, et croient que M. votre mari et M. votre fils y demeureront fermes aussi, puisque vous êtes la première cause de leur liaison. Demain les états s’ouvriront, qui avaient été fermés jusqu’à ce que les ordres du roi fussent arrivés, lequel a approuvé tout ce que le maréchal de La Meilleraye a fait. La cabale de M. de Rohan en est au désespoir. »

Le cas était embarrassant, même pour un courtisan délié. Le maréchal s’en tira en suivant à la lettre les ordres du roi. Conformément à ceux-ci les trois ordres nommèrent eux-mêmes leurs présidens, qui furent l’évêque de Nantes pour l’église, le baron du Pont-l’Abbé pour la noblesse, et M. Charette de La Gascherie pour le tiers. On a déjà vu avec quel empressement messieurs des états accueillirent durant cette tenue toutes les demandes formées par les commissaires, Ce fut une sorte d’explosion continue de dévouement inspirée par les tristes circonstances du temps. Toute la noblesse bretonne serait certainement montée à cheval à la clôture de l’assemblée, si elle y avait été conviée par le roi, car la défection du prince de Condé avait produit dans ses rangs une horreur profonde, et le duc de Rohan, alors en pleine insurrection dans son gouvernement de l’Anjou, lui paraissait traître au roi et à la Bretagne. Voici en effet ce qui s’était passé.

Chassé de Nantes par M. de La Meilleraye, M. de Rohan s’était rejeté sur Rennes et avait obtenu un arrêt du parlement qui déclara nulle l’assemblée tenue à Nantes, cassa toutes les délibérations faites en cette assemblée, « enjoignant et faisant commandement aux ecclésiastiques, gentilshommes et députés du tiers, présentement en la ville de Nantes pour la tenue desdits états, de désemparer incontinent, à peine d’être procédé contre eux[1]. » Sitôt qu’ils furent informés de l’existence de cet étrange arrêt, les états protestèrent avec fureur contre un acte attentatoire à leurs droits et profondément injurieux pour leurs membres. Ils déclarèrent traîtres au roi et à la nation un certain nombre de gentilshommes dont le duc de Rohan se faisait suivre, et au moyen desquels il s’efforçait d’organiser à Rennes un simulacre d’états autorisés, malgré le petit nombre des adhérens, par la complicité des magistrats, M. de Locmaria fut envoyé en cour par les états de Nantes, afin d’expliquer à sa majesté les choses scandaleuses qui se passaient dans la province, et d’obtenir justice d’une compagnie judiciaire qui, sous l’influence d’un seigneur séditieux, violait à la fois les ordres du roi et la constitution de la Bretagne.

Obligé à la modération par sa faiblesse, le ministère du jeune Louis XIV se garda bien de déclarer ennemis des magistrats qui le

  1. Arrêt du parlement de Rennes du 17 octobre 1651.