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0m,42 centimètres que nous venons de faire fondre à Ruelle et qui ont figuré à l’exposition.

Les Anglais tiennent trop à leur suprématie maritime pour être en retard sur une question d’artillerie ; ils prétendent même en ce moment avoir trouvé un projectile particulier, l’obus en fonte trempée du major Palliser, qui a la propriété de traverser les cuirasses les plus épaisses des bâtimens aujourd’hui à flot, et d’éclater dans le matelas sur lequel elles sont appuyées. Cet obus est muni d’une tête mobile et ogivale qui, très forte contre une pression venant de l’extérieur, c’est-à-dire contre le choc d’une paroi cuirassée, peut céder au contraire à la pression intérieure de la charge d’éclatement. Celle-ci concourt donc avec la vitesse et la masse de l’obus à augmenter la force de pénétration. On conçoit que l’explosion de ce projectile dans la muraille même du bâtiment puisse y produire des désordres terribles, des voies d’eau même, et fasse nécessairement tomber toutes les plaques voisines du point frappé. Depuis longtemps, l’artillerie française est à la recherche de ce problème, et s’il n’est pas vrai qu’il soit déjà résolu en Angleterre, il est permis de supposer que le génie inventif du siècle n’en laissera pas beaucoup attendre la solution.

L’homme semble plus puissant pour détruire que pour conserver, et les engins destructeurs seront sans doute toujours supérieurs aux moyens de préservation. Les torpilles nous en offrent un exemple. Ce sont surtout les confédérés américains qui ont fait usage de cette nouvelle machine de guerre ; ils en ont habilement parsemé les passes et les rivières par lesquelles les fédéraux devaient venir les attaquer, et ils ont réussi à détruire de cette façon dix navires de guerre ennemis et un grand nombre de transports à vapeur. Presque toujours l’effet de destruction a été immédiat, et les navires atteints par l’explosion ont coulé en quelques minutes, entraînant le plus souvent avec eux la totalité des équipages qui les montaient. Jusqu’ici, on n’a pas trouvé le moyen de mettre les bâtimens à l’abri de ces explosions sous-marines : en entrant dans les ports ennemis, les navires de guerre seront toujours exposés à disparaître sous les flots au moment où l’on s’y attendra le moins. Malgré les essais des Américains pour donner le mouvement aux torpilles, pour les lancer contre l’ennemi et les diriger avec précision, ils n’ont généralement obtenu de résultats que des torpilles fixes semées à l’embouchure des fleuves ; les bateaux en forme de cigare qui devaient les porter au large pour détruire les croiseurs fédéraux n’ont réussi qu’une seule fois contre une corvette qui s’est laissé surprendre la nuit et au mouillage. Vraisemblablement les torpilles volantes ne seront pas inventées de sitôt, et, si on ne parvient pas à éviter sur les