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délimitations intérieures, s’est fondue et constituée en une seule nation, la question a été tranchée ; il n’y a plus eu de place pour un état pontifical dont l’existence n’a plus été qu’une fiction. On peut imaginer toute sorte de combinaisons pour laisser le pape à Rome, pour lui créer une souveraineté exceptionnelle, garantie de la liberté de sa puissance spirituelle. Ceci est bien possible. Admettre au sein de son unité une enclave absolument indépendante et hostile, un camp ennemi, une sorte de lieu d’asile ouvert à toutes les passions contraires, admettre que Rome cesse d’être une ville italienne pour revêtir je ne sais quelle nationalité abstraite et universelle, c’est ce que l’Italie ne pouvait et ne peut faire évidemment sans se trahir elle-même. L’Italie est condamnée à poursuivre l’abolition de la papauté temporelle tout aussi bien que le pape est condamné à poursuivre l’abolition de l’unité italienne. Il peut y avoir des nuances d’opinion, il n’y a pas de divergence essentielle sur ce point au-delà des Alpes. Modérés et exaltés vont au même but, nourrissent la même pensée, et c’est là le secret de ce qui est arrivé récemment. Un ministère est misérablement tombé sous le poids de l’orage qu’il avait amassé, un autre ministère s’est formé sous la présidence d’un homme que la veille encore M. l’évêque d’Orléans accablait de compromettans éloges, qu’il représentait presque comme le dernier des justes, comme une exception d’honneur, de bon sens et de modération en Italie. C’était en apparence un ministère conservateur succédant à un ministère révolutionnaire. Qu’est-il arrivé ? Le chef du nouveau cabinet sorti de cette effroyable crise, le général Ménabréa, a mis sans doute plus de formes dans son langage ; au fond, il a parlé comme tous ceux qui l’ont précédé, comme parleront ceux qui viendront après lui. Il est resté avec plus de tenue le porte-drapeau d’une politique qui ne peut changer, parce qu’elle est dans la force des choses aujourd’hui comme hier. C’est la lutte de deux principes, de deux droits opposés, lutte permanente, absolue, indépendante des accidens et des volontés personnelles, et c’est là ce que je me borne à indiquer ; mais il y a aussi ce que j’appellerai la génération actuelle, diplomatique, de la phase nouvelle où vient d’entrer cette lutte, de cette crise soudaine, imprévue, d’où a pu sortir une seconde expédition de Rome, et c’est ici qu’éclate la responsabilité des hommes, c’est ici que commence cette vaste confusion où la question principale a disparu dans le tourbillon des incidens secondaires, où la France, embarrassée, agitée, s’est laissé ramener, je le sais bien, dans une entreprise sans issue, et où l’Italie, il faut le dire, a été la première à mettre la France dans ces embarras en se précipitant elle-même tête baissée au-devant d’une humiliation qu’elle s’est attirée par