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jours et même au-delà, surtout si l’on a soin d’en prendre chaque jour une certaine quantité, ce qui renouvelle la surface en contact avec l’air atmosphérique et enlève du même coup les séminules de fermens que celui-ci aurait pu y déposer.

Il est facile d’expliquer comment chacune des opérations que nous venons de décrire contribue au succès définitif. Quand on chauffe la liqueur de façon à la réduire au cinquième du volume primitif, on ne fait autre chose que se débarrasser de la plus grande partie de l’eau que contient le lait normal. Celui-ci contenait 13 pour 100 seulement de matières sucrées, grasses, azotées et salines, et 87 pour 100 d’eau[1] ; après la concentration, la proportion d’eau est descendue de 87 pour 100 à 35 pour 100. Or la présence de l’eau a une influence prédominante sur le développement des fermentations de divers ordres ; plus on restreint la quantité d’eau, plus on augmente les chances de conservation. Le sucre, qu’avant toute manipulation l’on ajoute au lait en proportion notable (60 grammes par litre), est aussi, comme on sait, un antiseptique actif. C’est même sur les propriétés de préservation qu’il possède que sont fondés l’art du confiseur et toutes les préparations domestiques de conserves de fruits. Pour donner une idée de l’efficacité avec laquelle le sucre s’oppose à l’action des fermens, nous rappellerons que, dans une barrique de mélasse venue des colonies, on trouva le cadavre d’un petit négrillon parfaitement conservé. Saturés de sucre, les tissus organiques n’avaient éprouvé durant le voyage aucune décomposition. La dernière précaution n’est pas la moins importante. C’est celle qui consiste à maintenir pendant quelque temps l’extrait de lait à une assez haute température pour détruire la vitalité des fermens qu’il contient. On sait que l’atmosphère que nous respirons est chargée de séminules de fermens qui se déposent sur tous les corps abandonnés au contact de l’air et s’y développent en les décomposant, quand elles rencontrent des conditions favorables. Ces fermens deviennent complètement inactifs, sont tués, pourrait-on dire, par une chaleur d’environ 100 degrés. Comme on a pris soin, avant de soumettre les séminules à ce traitement, de fermer hermétiquement les boîtes qui contiennent l’extrait de lait soustrait de la sorte à tout contact de l’air ambiant, on est sûr que de nouveaux élémens de

  1. La composition moyenne du lait de vache peut être ainsi représentée :
    Lactose (ou sucre de lait) 5
    Beurre 4
    Caséine et autres substances azotées 3,70
    Sels solubles et insolubles 0,30
    Eau 87