Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/887

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

brille et s’éteint cessa d’être une simple métaphore pour devenir une réalité scientifique. Ce sont en effet les mêmes conditions chimiques qui alimentent le feu dans la nature inorganique et la vie dans la nature organique.

Si, partant du fait signalé par Lavoisier, nous descendons maintenant dans l’analyse expérimentale des fonctions vitales, nous verrons que dans tous les tissus, dans tous les organes, c’est l’oxygène qui est toujours à la fois l’excitateur des phénomènes physico-chimiques et la condition de l’activité fonctionnelle de la matière organisée. L’oxygène pénètre dans les animaux par la surface respiratoire, et la circulation répand la vie dans tous les organes et dans tous les élémens organiques en leur distribuant l’oxygène dissous dans le sang artériel. C’est pourquoi le sang veineux ou sang privé d’oxygène amène la mort des élémens organiques, tandis que la transfusion du sang oxygéné est la seule transfusion vivifiante, ainsi que cela est connu depuis longtemps. Lorsqu’on injecte du sang oxygéné dans les tissus musculaires, nerveux, glandulaires, cérébraux, dont les propriétés vitales sont éteintes ou considérablement amoindries, on voit, sous l’influence de ce liquide oxygéné, chaque tissu reprendre ses propriétés vitales spéciales. Le muscle reprend sa contractilité ; la motricité et la sensibilité reviennent dans les nerfs, et les facultés cérébrales reparaissent dans le cerveau. En injectant par exemple, du sang oxygéné par la carotide dans la tête d’un chien décapité, on voit revenir peu à peu non-seulement les propriétés vitales des muscles, des glandes, des nerfs, mais on voit revenir également celles du cerveau ; la tête reprend sa sensibilité, les glandes sécrètent, et l’animal exécute des mouvemens de la face et des yeux qui paraissent dirigés par la volonté.

Quand, sous l’influence de l’oxygène, nous voyons revenir la contractilité dans un muscle, la motricité et la sensibilité dans les nerfs, cela ne nous semble pas surprenant ; mais quand nous voyons que l’oxygène fait reparaître l’expression de l’intelligence dans le cerveau, l’expérience nous frappe toujours comme quelque chose de merveilleux et d’incompréhensible. C’est pourtant au fond toujours la même chose, et ce qui se passe pour le cerveau ne nous semble extraordinaire que parce que nous confondons les causes avec les conditions des phénomènes. Nous croyons à tort que le déterminisme dans la science mène à conclure que la matière engendre les phénomènes que ses propriétés manifestent, et cependant nous répugnons instinctivement à admettre que la matière puisse avoir par elle-même la faculté de penser, de sentir. En effet, dès que nous avons reconnu plus haut que la matière organisée est dépourvue de spontanéité comme la matière brute, elle ne peut pas