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ordinaires et à l’aide des procédés particuliers qui sont spéciaux aux instrumens vitaux constitués par la matière organisée ; mais les êtres vivans ont en outre pour caractère essentiel d’être périssables ou mortels. Ils doivent se renouveler et se succéder, car ils ne sont que les représentans passagers de la vie, qui est éternelle. Il nous reste à parler maintenant des phénomènes de rénovation organique, qui ont toujours été considérés comme les phénomènes de la vie les plus mystérieux, par conséquent les plus irréductibles aux lois physico-chimiques et les plus difficiles à régir.

L’évolution d’un être nouveau, ainsi que sa nutrition, sont de véritables créations organiques qui s’accomplissent sous nos yeux. Toutefois ces phénomènes de création organique ne peuvent s’appliquer qu’à l’arrangement moléculaire matériel spécial qui caractérise la matière organisée, car les corps chimiques élémentaires qui composent la matière organisée sont absolument les mêmes que ceux qui forment la matière inorganique. Au point de vue chimique, la création de la matière vivante ne serait donc encore ici que le reflet des combinaisons minérales sans nombre qui ont lieu dans le monde cosmique par suite d’arrangemens moléculaires nouveaux et de mutations chimiques particulières qui s’opèrent incessamment autour de nous. Quant à la création primitive, elle nous échappe complètement dans tous les cas. Dans le monde tel que la science le connaît, rien ne se crée, rien ne se perd ; il n’y a que des échanges et des transformations de matières et de forces qui se succèdent et s’équivalent d’une manière nécessaire et constante dans l’apparition des phénomènes de la nature.

Les corps vivans sont des composés instables qui se désorganisent sans cesse sous les influences cosmiques qui les entourent ; ils ne vivent qu’à cette condition, et les organes formés par la matière vivante s’usent et se détruisent comme les organes formés par la matière inerte. Pour que la vie continue, il faut donc que la matière organisée qui forme les élémens histologiques se renouvelle constamment à mesure qu’elle se décompose, de sorte que l’on peut regarder la cause de la vie comme résidant véritablement dans la puissance d’organisation qui crée la machine vivante et répare ses pertes incessantes.

Les anciens physiologistes animistes et vitalistes avaient bien aperçu cette double face que présentent les phénomènes des êtres vivans. C’est pourquoi ils admettaient qu’un principe intérieur de la vie, qui était le principe créateur ou régénérateur, se trouvait en lutte avec les forces physico-chimiques extérieures qui constituent les agens destructeurs de l’organisme. Toutefois, si les influences physico-chimiques extérieures sont les causes de la mort ou de dés-