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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/951

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et, pour le récompenser de son haut fait d’armes, dom. Pedro II lui donnait le titre de baron d’Inhauma. Bientôt pourtant il fallut reconnaître que le facile exploit de la flotte Brésilienne était plutôt un désastre qu’une victoire. Ce n’est point seulement la passe de Curupaity qui aurait dû être forcée, c’étaient les redoutes, d’Humayta qu’il aurait fallu doubler pour entrer dans les eaux libres et tenter d’établir des communications avec l’armée de terre. Or les navires cuirassés avaient subi trop d’avaries dans leur première étape pour oser commencer la seconde, bien autrement périlleuse. Devant eux, à l’angle de la rivière, les Brésiliens peuvent voir, soutenue par trois bateaux plats, l’épaisse chaîne en câbles de fer tordus qui barre le Paraguay de l’une à l’autre rive ; en aval de cet obstacle, que le brusque détour du courant empêche d’aborder directement et de briser sous l’éperon des navires, se dresse, au milieu d’autres redoutes moins apparentes, la formidable batterie casematée de Londres, armée de 16 canons de gros calibre pouvant tous concentrer leur feu vers un même point ; puis au-delà, sur une longueur de plusieurs kilomètres, se succèdent d’autres batteries commandant de leurs embrasures tous les passages du tortueux chenal qu’auraient à suivre les vaisseaux. À ces obstacles visibles se joint le danger des torpilles cachées çà et là dans le courant. Si la flotte cuirassée du Brésil a déjà tant souffert en subissant le feu d’un simple ouvrage avancé comme Curupaity, est-il à croire qu’elle pourra se glisser impunément sous les canons en nombre inconnu de la grande forteresse d’Humayta, transformée depuis vingt ans en boulevard imprenable ? Dès l’abord, l’amiral douta de la possibilité du succès, car, en dépit des ordres formels du ministère, il a dû se borner à de simples reconnaissances ; protégé par une île, il se contenta de jeter de loin quelques bombes dans la place. Le jour solennellement invoqué de l’Assomption n’a donc pas été favorable aux Brésiliens.

Dès que l’amiral Ignazio reconnut la folie qu’il y aurait de sa part à tenter le passage d’Humayta, il songea sans doute à redescendre en aval de Curupaity pour rejoindre le reste de la flotte et l’embouchure du Paraguay, bientôt même il reçut de Rio-de-Janeiro l’ordre d’avoir à réparer à tout prix sa première imprudence en revenant au plus vite à l’ancrage de Tres-Bocas ; mais il était trop tard. Aussitôt après le passage des navires cuirassés, le maréchal Lopez s’était occupé de leur barrer la rivière en aval et de les emprisonner ainsi entre ses deux forteresses : il fit abaisser le niveau des berges afin que les artilleurs pussent incliner leurs canons et les pointer à bout portant sur les navires qui tenteraient de longer la rive ; sur tous les points faibles, il fit construire des batteries