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articles devait se réduire la loi, et il ne proposait pas d’offrir aux parties contractantes des types généraux qu’elles pourraient adopter comme une expression laconique de leurs volontés. Ce développement du système aurait cependant eu l’avantage de présenter une analogie avec le contrât de mariage. Les objections qui. ont convaincu le corps législatif reposent sur des distinctions fort ingénieuses sans doute, mais plus subtiles que profondes. On a dit, par exemple, que le mariage est un contrat perpétuel, et qu’il fallait donner plus de liberté à ceux qui s’engagent irrévocablement. Ainsi on accorderait pour le contrat de mariage, dans lequel toute faute est irréparable, plus de latitude que pour la formation des sociétés commerciales, dont la constitution, si elle est après essai jugée défectueuse, peut être modifiée d’un commun accord par les intéressés. Ce qui est vrai, c’est que le contrat de mariage est un acte auquel les parties réfléchissent mûrement, tandis qu’elles s’engagent souvent un peu à la légère dans les sociétés. C’est justement pour cela qu’il faudrait les habituer à être moins protégées et à veiller avec plus de vigilance sur leurs propres intérêts.

D’autres orateurs, raisonnant par analogie, ont invoqué l’exemple des règles qui régissent la vente des immeubles. Bien qu’il ait signé l’acte de transmission, le vendeur, s’il éprouve une lésion de plus de sept douzièmes, peut revenir sur la vente et la faire résilier. La liberté des conventions n’est donc pas illimitée, et, puisqu’elle trouve une limite en matière de vente, pourquoi n’en subirait-elle pas quelques autres en fait de société ? C’est un procédé de raisonnement peu acceptable que celui qui consiste à s’appuyer sur une exception pour en justifier une autre. Une exception, même lorsqu’elle est fondée, est au contraire un motif pour ne pas en admettre une seconde. Autrement le principe ne tarderait pas à être étouffé. Cette disposition du code qu’on invoque, c’est-à-dire la rescision de la vente pour lésion de plus des sept douzièmes, n’est d’ailleurs pas incontestée, et elle figure au nombre de celles que les économistes voudraient voir abroger. Fût-elle à l’abri de toute critique, cette faculté laissée au vendeur ne prouve rien quand il s’agit de sociétés. Nous demandons la liberté du contrat de société, et on oppose un contrat où la loi présume que le vendeur n’a pas été libre. Si le propriétaire a vendu en subissant une perte de plus de moitié, c’est qu’il était pressé par la nécessité, par un besoin d’argent imminent. Qu’a de commun cette situation avec la liberté de former des sociétés à des conditions discutées et acceptées sans pression de part ni d’autre ? La conclusion à tirer de ces critiques, c’est que la véritable solution du problème consiste à déclarer que les conventions sont libres en matière de société. Il suffirait de déterminer tout au plus un certain nombre de régimes pour donner aux parties la