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bien d’individus elle fait vivre par elle-même et par les industries qui s’y rattachent ; il faut pouvoir comparer non-seulement les méthodes en usage chez les divers peuples soit pour l’éducation, soit pour la prise, soit pour la préparation du poisson, mais encore les législations spéciales, afin de se rendre un compte exact des progrès à réaliser dans un sens ou dans un autre. Ces questions sont intéressantes par elles-mêmes, et ne perdent rien à être examinées après la fermeture des portes du palais du Champ de Mars.


I.

De toutes les expositions de pêche, la plus complète était sans contredit celle de la Norvège. La pêche est en effet pour ce pays l’industrie principale et une source si importante de richesses que rien n’avait été négligé pour la faire connaître. Une notice publiée par M. Herman Baars, négociant à Bergen et commissaire spécial à l’exposition, a permis aux plus ignorans d’apprendre ce qu’étaient les engins et les préparations qu’ils avaient devant eux. À cheval sur la chaîne des Alpes scandinaves, la population norvégienne, omposée d’environ 1,500,000 âmes, trouve sur le versant oriental de vastes forêts de sapins dont les produits sont pour elle un objet d’exportation considérable, et sur le versant occidental la mer, avec ses rivages déchiquetés, qui leur offre, pomme élément de commerce, la multitude de poissons de toute espèce vivant dans ces régions. Aussi, malgré un sol maigre et stérile, malgré les vents glacés qui empêchent les moissons de mûrir, au fond des baies se rencontrent de nombreux villages où respire l’aisance et la prospérité. Les principales pêches de la Norvège sont celle de la morue et celle du hareng.

La morue visite chaque année, depuis le mois de janvier jusqu’au mois d’avril, les côtes du Finmarck et l’archipel des îles Lofoden, dont la disposition forme une espèce de mer intérieure connue sous le nom de West-fiord. C’est dans cette mer, abritée par des rochers de granit contre les tempêtes de l’Atlantique, réchauffée par les courans du sud, que les morues viennent déposer leur frai. Elles y pénètrent par les détroits qui séparent les îles, précédées de leurs guides, qui leur indiquent la route, et en suivant un ordre invariable. Les mâles se tiennent toujours à la plus grande profondeur : les femelles, placées à quelques brasses au-dessus, laissent échapper en pleine mer leurs œufs, qui sont fécondés, avant d’atteindre le fond, par les liquides que les premiers ont sécrétés sur leur passage.