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Si le pape ne les accepte pas sa majesté ne saurait reconnaître sa souveraineté temporelle. Elle était décidée à faire passer la domination de Rome dans des mains séculières[1]. »

Au moment où cette injonction impérieuse sortait des bureaux du ministère des relations extérieures de France pour être remise au cardinal de Bayanne, une autre pièce, secrètement élaborée au Quirinal et clandestinement imprimée pendant la nuit, faisait à l’improviste son apparition sur les murs de Rome. C’était la protestation de Pie VII contre l’invasion française. Elle était ainsi conçue : « N’ayant pu adhérer à toutes les demandes qui lui ont été faites de la part du gouvernement français, parce que la voix de sa conscience et ses devoirs sacrés le lui défendaient, sa sainteté Pie VII a cru devoir subir les désastreuses conséquences dont on l’avait menacé par suite de son refus, et même l’occupation militaire de sa capitale. Résigné dans l’humilité de son cœur devant les impénétrables jugemens du ciel, il remet sa cause aux mains de Dieu; mais, ne voulant pas d’ailleurs manquer à l’essentielle obligation de garantir les droits de sa souveraineté, il nous a ordonné de. protester, comme il proteste formellement en son nom et en celui de ses successeurs, contre toute usurpation de ses domaines, sa volonté étant que les droits du saint-siège soient et demeurent toutefois intacts[2]. » Dans une première rédaction de cette pièce, d’abord soumise au saint-père, quelques expressions s’étaient glissées qui pouvaient être interprétées comme une plainte portée contre le peuple français en général. Le cardinal secrétaire d’état représenta que les mesures dont le saint-père avait à souffrir provenaient du gouvernement et nullement de cette France qui avait prodigué au souverain pontife tant de preuves de vénération et d’attachement. « Cela est vrai, s’écria Pie VII; je ne puis me plaindre de cette nation, et je veux que cela soit dit expressément dans ma protestation[3]. » La crainte d’ajouter par un manifeste trop vif à l’irritation du peuple romain contre les troupes françaises troublait en effet l’âme scrupuleuse du saint-père. C’est pourquoi d’autres paroles venaient ensuite qui avaient surtout pour but de calmer les esprits. « Vicaire sur la terre de ce Dieu de paix qui nous a enseigné par son exemple la douceur et la patience, le saint-père ne doute point que ses sujets bien-aimés, qui lui ont toujours donné tant de preuves d’obéissance et d’attachement, ne mettent tous leurs soins à conserver la tranquillité privée et publique. Sa sainteté les y exhorte et le leur ordonne positivement. Elle

  1. Lettre de M. de Champagny au cardinal de Bayanne, 3 février 1808.
  2. Notification et protestation du pape Pie VII, affichée sur les murs de Rome, 2 février 1808.
  3. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 55.