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çantes. On assurait que le prince Michel faisait des préparatifs de guerre, et que la Serbie ne tarderait point à prendre les armes contre la Turquie. Fallait-il voir là l’effet des propagandes qu’on accuse la Russie d’exercer parmi les populations gréco-slaves de l’empire ottoman ? La diplomatie russe vient de donner un signe de dépit contre ce qu’elle appelle les vacillations de la politique française en Orient. Le gouvernement français s’était joint, il y a quelques mois, aux cabinets de Russie, de Prusse et d’Italie pour adresser des représentations à la Porte sur la question Crétoise ; puis il avait laissé ces stériles démarches et avait préféré concerter ses vues sur l’Orient avec l’Angleterre et l’Autriche. Notre gouvernement n’avait point tenu à mettre le public dans la confidence de cette variation politique. Il ne comptait point sur la superbe russe. La chancellerie de Pétersbourg, vexée de voir passer sous silence notre courte union avec elle dans les affaires d’Orient, a rempli une lacune volontaire de notre livre jaune, et a mis au jour les pièces de cette négociation éphémère. La publication russe, nous l’espérons, ne troublera nullement l’union avec l’Autriche et l’Angleterre, dans laquelle, dit-on, la France persiste. Ces trois puissances ont présenté des observations identiques au prince de Serbie, et la paix ne sera point compromise sur la rive droite du Danube. La Russie sur ces entrefaites prend devant l’Europe une nouvelle attitude. La cour de Pétersbourg appelle auprès d’elle les deux hommes les plus éminens de sa diplomatie, M. le baron de Budberg, l’ambassadeur de Paris, et le général Ignatieff, l’ambassadeur de Constantinople. Est-ce la question d’Orient et le changement de la politique française qui motivent ces déplacemens à sensation ? Ce n’est point si grosse aventure. Le prince Gortchakof, qui ne croit peut-être point être sorti de l’âge des passions, s’avance pourtant dans la période septuagénaire. Cet homme d’esprit aurait vraisemblablement besoin d’un peu de repos pour goûter les joies sereines d’une verte vieillesse. La chancellerie de l’empire lui serait une opulente et calme retraite. Il abandonnerait la direction du ministère des affaires étrangères à l’un ou à l’autre des ambassadeurs mandés à Pétersbourg. Quel sera l’élu ? Il y aurait de la témérité à le prédire, car chacun des deux candidats peut compter à la cour sur de puissans patronages. Voilà une sinistre apparence, ayant donné lieu à de noires conjectures, qu’il faut effacer de l’horizon.

L’Autriche vient enfin d’achever cette hardie et honnête combinaison qui établit la monarchie sur la base d’un dualisme définitif. Le royaume de Hongrie et le groupe des régions cisleithanes se sont entendus sur l’arrangement qui détermine les affaires communes. Les deux parties qui forment la monarchie vont exercer leur autonomie et se réunir par un nombre proportionnel de représentans dans la commission de délégation. La Hongrie a son gouvernement représentatif et son ministère respon-