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bles du désert. Constatons une fois de plus que les fictions ne valent jamais la réalité. Le continent africain recèle autre chose que des sables stériles et des marais malsains. La zone torride n’a pas été placée entre les deux zones tempérées pour séparer, comme le croyaient les anciens, les régions habitables du globe. L’Afrique a de la verdure même entre les tropiques, des eaux vives et courantes même au sein du Sahara; la neige s’y montre sous l’équateur, et le climat équinoxial n’y est pas plus redoutable qu’en Amérique ou en Asie. A côté de solitudes brûlantes s’étalent des plaines d’une fertilité merveilleuse qui produisent les plantes les plus utiles, et nourrissent les plus belles espèces du règne animal. Le seul être qui s’y trouve dans un état de dégradation et d’avilissement à faire pitié, c’est l’homme. N’en accusons pas la terre; cette grande productrice des choses est sans doute tombée en de mauvaises mains, car, à côté des tribus noires les plus dégradées et sur un terrain moins favorable, nous rencontrerons des populations presque blanches en un état de prospérité relative. Il nous faudra reconnaître ici l’influence de la race, non celle du sol.

Les explorations modernes de l’Afrique centrale commencent à la fin du siècle dernier. Toutefois c’est surtout depuis vingt et quelques années que les expéditions, parties de toutes les côtes de la péninsule, deviennent assez nombreuses et assez méthodiques pour fournir aux géographes les informations précises qu’ils réclament. Les observations exactes faites avec le sextant et le baromètre remplacent les vagues appréciations des premiers itinéraires. Les sociétés savantes vouées à l’étude exclusive de la géographie qui se sont formées en France, en Allemagne, en Angleterre, encouragent les voyageurs par leur appui moral, leurs subsides et leurs récompenses, leur donnent au départ des programmes bien dressés, et soumettent les résultats qu’ils rapportent à l’épreuve d’une critique éclairée. C’est par l’heureux concours de tant d’efforts que se rétrécit d’année en année l’espace vierge qui s’étalait sur nos anciennes cartes d’Afrique. Il serait superflu d’énumérer les noms de tous les hommes qui ont consacré leur vie à ces laborieuses investigations; encore moins pourrions-nous raconter en détail les mille épreuves qu’ils ont traversées. Au surplus, le récit des plus notables de ces explorations ne serait pas nouveau pour les lecteurs de la Revue, Barth, Speke, Livingstone et Baker ont obtenu tout autant de notoriété en France que dans leur pays natal. Nous ne voulons que rappeler les traits saillans de leurs journaux de route et faire sortir de la comparaison de ces documens l’Afrique telle qu’elle est, ou mieux telle qu’on la devine à travers le brouillard qui en dérobe encore une partie. Il s’agit surtout de