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on observe un phénomène inverse de la sécheresse d’Egypte : il y pleut neuf mois de l’année, de la fin de février au Commencement de décembre. Ces pluies, quelque abondantes et prolongées qu’elles soient, influent peu sur le niveau du Nil, tant ce fleuve est déjà large et rapide; mais, en grossissant le cours des affluens, elles donnent naissance aux crues périodiques de l’Egypte. Quant au climat, à l’inverse de ce qui se présente ailleurs, il s’adoucit et se tempère à mesure que l’on approche de l’équateur. C’est un effet de l’altitude, qui s’accroît rapidement. Tandis qu’à Khartoum le thermomètre centigrade oscille de 10 degrés en hiver à 50 degrés en été, ce qui constitue un climat excessif, la température de Gondokoro, à 600 mètres de hauteur, ne varie plus qu’entre 20 et 38 degrés, et plus loin encore, aux environs des lacs et à plus de 1,000 mètres d’altitude, on ne l’a pas vu s’élever au-delà de 30 degrés dans tout le cours d’une année. Si les Européens veulent s’établir quelque part, c’est près de l’équateur qu’ils se trouveront dans les conditions les plus favorables; dans la région moyenne au contraire, ils ne sauraient faire qu’un séjour temporaire.

Comme végétation, la contrée devient splendide aussitôt que les sables de l’Ethiopie sont dépassés. Au-dessus de Khartoum, le Nil semble couler au milieu d’une plaine immense; la vallée n’a plus de limites apparentes. Les rives se dérobent derrière d’épaisses forêts que la moindre crue convertit en marécages. L’acacia, l’ébénier et le mimosa s’y développent en liberté; diverses sortes de palmiers y étalent leur élégant feuillage; le baobab, ce roi des végétaux du continent africain, commence à se montrer. L’herbe des prairies atteint une hauteur incomparable, les roseaux des marais sont des géans. Le règne animal n’est pas moins bien représenté. Tous les animaux des pays chauds prospèrent sur cette terre riche et féconde : l’hippopotame et le crocodile dans les marais, le lion, la girafe et le rhinocéros sur les sols secs, les reptiles sous les hautes herbes, les moustiques dans l’air. Les éléphans vivent en troupes nombreuses. La vie abonde et se manifeste par ses espèces les plus vivaces et les plus rares. Ne voilà-t-il pas déjà un tout autre tableau que les sables traditionnels et les prétendus déserts de l’Afrique centrale? Se dirige-t-on vers le centre, en partant de l’Océan-Indien, par la route que Speke et Grant ont suivie dans leur mémorable expédition, on rencontre d’abord des terres basses et marécageuses, pays de fièvres endémiques d’autant plus dangereuses que la chaleur y est extrême. Les rivières, débordées en la saison des pluies, couvrent et délaissent tour à tour des lagunes où les reptiles et les insectes se multiplient par myriades. Sables ou lagunes, il y a tout autour de l’Afrique une lisière de terrains in-