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leur propre autorité au 15 février 1716, afin d’attendre les réponses qui seraient faites par le régent à leurs cahiers portés en cour par une députation spéciale. Il fut encore plus contrarié lorsqu’il les vit décider par une sorte de conséquence de ce vote que l’indemnité de 300 livres ordinairement attribuée aux députés des villes et communautés serait doublée à cause de la longueur présumée de la session. Enfin il perdit la tête lorsqu’à la veille de se séparer les états assignèrent un fonds spécial pour l’impression de leurs procès-verbaux, mesure sans exemple, à laquelle s’opposa M. Ferrand par une défense notifiée à tous les imprimeurs de la province[1].

Deux années plus tard, au milieu de l’ère de dissolution ouverte par la régence, les esprits avaient fermenté, et, lorsque les trois ordres furent convoqués à Dinan pour les derniers jours de l’année 1717, les membres de la noblesse et du tiers portèrent une pensée commune à ces solennelles assises, où il s’agissait de reconquérir par une résolution énergique toutes les libertés perdues. Cet accord fut préparé dans les neuf bureaux diocésains, dont le despotisme aux abois avait, depuis quelques années, autorisé la fondation afin de rendre moins difficile la perception des charges publiques, mais qui, formés de membres élus par les trois ordres, ne tardèrent pas à devenir des centres de résistance où convergèrent toutes les plaintes et toutes les espérances de redressement. On arriva donc à Dinan invariablement résolu à ne voter désormais ni le don gratuit, ni aucune autre allocation avant d’avoir étudié ce qu’on nommait alors l’état de fonds par estime, afin de mesurer les allocations aux voies et moyens préalablement assurés. Revenir à un usage constamment observé jusqu’en 1665, ce n’était ni un crime contre la fidélité due au monarque, ni une tentative pour rompre le lien désormais indissoluble qui rattachait la Bretagne à la France. Cette province, demeurée si dévouée au trône sous la régence d’Anne d’Autriche, ne pouvait inspirer aucune inquiétude sous celle du duc d’Orléans. En mesure de la comprendre parce qu’il avait un esprit droit et un noble cœur, Châteaurenaud n’en douta jamais; mais il en fut autrement de son successeur, qui, cherchant les difficultés afin de se donner le mérite d’en triompher, finit par nouer pour ainsi dire de ses propres mains une conjuration qu’avant lui personne n’aurait estimée possible.

Pierre d’Artagnan de Montesquiou était un brave militaire de soixante-douze ans, qui, malgré ses bons services en Flandre, n’était arrivé que fort tard au maréchalat. Il n’avait jamais eu dans l’armée qu’une importance de second ordre, et son caractère avait pris quelque chose de subalterne comme sa carrière. Malgré

  1. Lettre de M. Ferrand au régent, 26 février 1716.