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où l’on s’amusait en effet beaucoup, comme nous le savons par Mlle Delaunay ; ce prisonnier écrit à ses amis que la cause bretonne est en grande faveur près des mécontens, qui sont nombreux, et qu’il suffira de tenir bon pour qu’on leur rende toute justice. Un tel exemple affaiblit l’autorité, qui, pour les hommes de l’école du maréchal, ne doit jamais avoir tort et doit toujours faire peur. Sa lettre se termine par cette formule, reproduite dans toute la correspondance de M. de Montesquiou comme un protocole invariable : « il faut ôter de l’esprit de cette province qu’ils ont des droits particuliers et qu’ils sont indépendans. »

Les états de Dinan s’ouvrirent le 16 décembre 1717 en présence de trois cents gentilshommes. Ceux-ci étaient tous arrivés avec une pensée arrêtée, et l’on pouvait déjà pressentir de grands orages, car cette pensée était incompatible avec les instructions données par le conseil de régence aux commissaires du roi.


« Sa majesté veut et entend, disent ces instructions, sous la date du 6 novembre, que, suivant l’usage établi dans les précédentes assemblées, les commissaires fassent la demande du don gratuit aussitôt après l’ouverture desdits états, et, pour les obliger à accorder par une seule délibération les sommes qui leur sont demandées de sa part, ils représenteront qu’en raison des nécessités du temps sa majesté se trouve obligée de demander à ses sujets de Bretagne des marques de leur zèle. Tous les votes des impôts prélevés par le roi devront suivre immédiatement celui du don gratuit, et le roi étant informé que l’usage des états est de faire un présent de 30,000 livres au commandant qui tient pour la première fois la place de premier commissaire de sa majesté en leur assemblée, le roi permet auxdits états de témoigner par un présent de pareille somme au sieur maréchal de Montesquiou leur reconnaissance des soins qu’il prend pour le bien des affaires de la province, et veut qu’il en soit fait part dans la prochaine assemblée. »


Le maréchal ouvrit la session par un discours pour lequel il fit de grands frais d’éloquence, mais qui, commencé par des complimens, finit par des menaces.


« Flatté de me trouver à la tête d’une aussi auguste assemblée composée d’un clergé respectable par ses mœurs et dont la conduite des prélats ne laisse rien à désirer, d’une noblesse plus respectable mille fois par l’attachement qu’elle a pour sa majesté qu’elle ne l’est encore par l’illustre sang qui lui a donné la naissance, d’un tiers-état sage dans ses conseils, éclairé dans ses pensées, tant de rares qualités m’inspirent un désir ardent d’être uni de sentiment avec vous...

«... Mais n’oubliez pas que l’âge tendre du roi ne change rien à vos devoirs et ne doit rien changer à la manière de lui témoigner votre res-