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ble, pour qu’on se conformât à la volonté royale en émettant sans débat un vote immédiat. La noblesse, ralliant cette fois la plus grande partie du tiers et mesurant d’avance la conséquence de son refus, formula la résolution de ne délibérer désormais sur aucune demande de la cour avant d’avoir entendu le rapport de sa commission des finances. Une députation à la tête de laquelle se placèrent l’évêque de Rennes, le duc de La Trémouille et le sénéchal de Rennes, présidens des trois ordres, se rendit, dans la journée du 17 décembre, chez le commandant de la province, et lui fit connaître la délibération que venaient de prendre les états à la majorité de deux ordres contre un, ajoutant que les intérêts du roi n’en souffriraient en aucune façon, cette délibération n’ayant eu qu’un seul but, celui de sauvegarder le droit imprescriptible de l’assemblée. Le maréchal accueillit les députés par un silence menaçant, les ajournant au lendemain pour leur faire connaître ses intentions. Le 18 décembre en effet, le commandant de la province, introduit avec un grand appareil au sein de l’assemblée, prononça de brèves paroles pour annoncer que, les états se refusant à obéir aux injonctions du roi, il venait les clore selon l’ordre qu’il en avait reçu de sa majesté, leur enjoignant de se séparer à l’instant. Jamais prescription ne fut plus ponctuellement obéie. Quelques heures après, la ville de Dinan était déserte, et ces rudes gentilshommes avaient tous enfourché leurs bidets pour aller souffler à leurs familles et à leurs vassaux le feu de leurs patriotiques colères.

Le maréchal de son côté se recueillit dans son triomphe, que vinrent troubler toutefois de sinistres appréhensions. « Toute cette noblesse n’est plus une assemblée, c’est une cohue. Elle refuse d’obéir à ses chefs, car MM. de La Trémouille et de Rohan se sont bien conduits. » M. de Montesquiou semble croire, et très prématurément à coup sûr, qu’il existe dans la province un grand complot dont il ne détermine d’ailleurs ni la nature ni le but. Il constate que la fermentation est universelle, et qu’il y a tout à craindre pour un refus général des impôts, surtout si le parlement de Rennes, qui s’entend avec les états et souvent les pousse, détourne de les payer « sous le prétexte qu’ils ne sont pas dus parce qu’ils n’ont pas été votés. » Toutefois ce danger paraît moins redoutable au commandant de la province que ne le serait un acte de faiblesse « vis-à-vis d’une troupe de mutins infatués de droits imaginaires. » Dans plusieurs lettres adressées pendant les derniers jours de décembre 1717 et en janvier 1718 à M. de La Vrillière, secrétaire d’état, ayant alors la Bretagne dans ses attributions, il demande instamment des troupes; mais il sollicite avant tout de nombreuses lettres de cachet pour être envoyées aux plus remuans d’entre les gentilshommes et aux magistrats les plus à redouter dans le parle-