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ne seraient pas attestées par la signature de nombreux confédérés. Il se borna donc à donner à l’émissaire des assurances verbales, et M. de Mellac rentra en Bretagne par Saint-Malo au commencement de l’année 1719.

D’après ses renseignemens sur les dispositions favorables qu’il avait trouvées à Madrid, tout se prépara pour une levée de boucliers sur la portée de laquelle quelques gentilshommes, excités par l’ardeur des débats parlementaires, s’étaient fait les plus complètes illusions. Il était très facile de pousser quelques vassaux à molester les employés du fisc ou ceux des fermes; mais il était impossible de soulever une population inerte et désarmée, en présence de garnisons nombreuses, pour des questions qui n’intéressaient les masses ni dans les choses de la conscience, ni dans celles de la vie usuelle. Quoi qu’il en soit, une grande assemblée fut indiquée pour le 8 avril au centre de la Bretagne, dans la vaste forêt de Lanvaux, située à quelques lieues de Vannes. Il y vint des gentilshommes de tous les diocèses, et, si l’on s’en rapporte au président de Robien, ceux-ci prirent pour dérober le secret de ce conciliabule les mesures les plus propres à le laisser pénétrer. On entrait en effet dans la forêt déguisé, chacun portant un faux nez ou des moustaches postiches, tirant deux coups de pistolet pour annoncer son arrivée, et laissant ses valets armés sur la lisière du bois, afin de protéger l’assemblée contre les regards indiscrets. D’après le même écrivain, dont les affirmations sont confirmées par les pièces de la procédure suivie à Nantes, « on y fit lecture d’un projet de traité à faire avec l’Espagne, dont le ministre, mécontent de la triple alliance conclue par les soins de M. le régent, pour s’en venger ou du moins pour embarrasser ce prince, promettait d’abord 15,000 hommes de troupes et de l’argent pour l’exécution du projet, qu’il ne s’agissait que de ratifier. Plusieurs signèrent. On nomma des commissaires pour faire signer les autres, et l’on renvoya M. d’Hervieux de Mellac pour aller ratifier le traité avec le cardinal et en solliciter l’exécution. Le comte du Boiëxic-Becdelièvre fut député vers la noblesse du Poitou pour l’engager à se soulever, s’étant fait fort d’y réussir. M. de Noyant resta à Paris pour continuer la correspondance tant à Paris qu’avec l’Espagne, ayant, dit-on, tout le secret de l’intrigue. Les commissaires nommés pour solliciter des signatures travaillèrent si activement chacun dans son canton, entre autres Kerantré de Gouvello dans le canton de Vannes et d’Auray, et Des Granges dans celui de Saint-Brieuc, qu’en peu de temps la liste de ceux qu’ils avaient fait souscrire fut très nombreuse. Alors on commença de faire des préparatifs et des envois d’armes, tant au Pontcallec qu’au Pouldu et chez le sieur Salarun de Coué, qui avait été nommé à cette