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le milieu d’octobre 1719; mais un seul de ces navires parvint à gagner la côte de Bretagne, les vents contraires et des avaries ayant contraint les autres de rentrer au port. Lorsqu’au bout de trois semaines ceux-ci voulurent reprendre la mer, un contre-ordre les en empêcha. Les résolutions du cabinet espagnol avaient changé sur une connaissance plus précise du véritable état des choses. Le vaisseau arrivé en vue du littoral breton avait porté, avec une somme en or considérable, trois cents hommes de débarquement. Ceux-ci prirent terre dans la presqu’île de Quiberon ; mais, ayant bientôt acquis la certitude qu’il n’existait sur la côte sud aucun rassemblement d’insurgés et que les garnisons des villes voisines ne tarderaient pas à les entourer, ils jugèrent prudent de remonter à bord, et le vaisseau allégé de ses piastres regagna la côte de Biscaye.

Ce fut la fin de l’insurrection, si l’on peut qualifier ainsi un mouvement qui n’exista jamais que dans l’imagination des instigateurs. La conspiration de Pontcallec se résume dans un rêve caressé par quelques esprits ardens qui, dans les griefs de la province, entrevirent un moyen de grossir leur importance personnelle. En exceptant l’espèce de garnison de deux ou trois châteaux dont une compagnie aurait suffi pour forcer les portes, elle ne put mettre sur pied une bande de cinquante hommes, et, si ses chefs se donnèrent le plaisir de rosser plus d’un maltôtier, de jouer au conseil de guerre et de donner des mots d’ordre, ils n’eurent jamais le malheur de blesser un soldat français, car après avoir compulsé les pièces de cette longue procédure, je n’ai pas trouvé mention d’un coup de fusil tiré dans une rencontre. Gardons-nous donc de confondre les justes revendications de la Bretagne avec une entreprise extravagante dont le succès n’aurait profité qu’aux prétentions des bâtards et aux projets d’Alberoni. Le complot breton ne pouvait prendre quelque consistance que par une descente des Espagnols, et s’évanouit comme une ombre à l’instant où disparut cette espérance. Une centaine d’hommes compromis eurent le bonheur de se cacher ou de s’enfuir à l’étranger. Aux derniers jours d’octobre, lorsque la chambre royale était à la veille de s’ouvrir à Nantes, un brave marinier de Locmariaker fit passer en Espagne sur une barque à peine pontée vingt gentilshommes ; d’autres gagnèrent les côtes d’Angleterre et vinrent bientôt rejoindre les premiers émigrés à Madrid. Le maréchal de Montesquiou, qui, d’après le ton fort dégagé de sa correspondance durant l’année 1720, paraît n’avoir aucunement redouté l’issue de projets qu’il connaissait trop bien pour les craindre, fit battre la partie ouest du diocèse de Vannes et quelques cantons limitrophes de la Cornouailles par des détachemens de