Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout cela provoque la commisération. Dans ce complot, les hommes étaient aussi peu redoutables que les chefs, et jamais la rigueur ne fut plus inutile. M. de Montlouis rendit au commissaire instructeur la tâche plus facile encore, car il fit des aveux complets qui atteignirent ses coaccusés sans lui profiter. Ce malheureux gentilhomme exposa sans nulle réserve ce qui s’était fait dans les diverses assemblées secrètes auxquelles il avait participé. Il fit connaître en détail le projet formé par les conjurés pour surprendre la ville de Rennes afin d’enlever le maréchal, et déroula un autre plan tout aussi peu sérieux, puisqu’il consistait à déguiser quelques centaines de gentilshommes en sauniers afin de commencer le mouvement dans les marais de Guérande, sous prétexte d’organiser une vaste contrebande sur le sel. Sommé de déclarer quel poste lui avait été attribué dans le cadre de la future armée insurrectionnelle, il répondit que M. de Pontcallec le destinait à remplir, conjointement avec M. de Talhouët, le rôle de commandant de l’infanterie, et qu’il avait réservé celui de chef de la cavalerie pour M. du Couëdic, ancien capitaine de dragons; il ajouta que tous les brevets devaient être délivrés au nom du roi d’Espagne, M. de Pontcallec l’ayant ainsi déclaré en annonçant la prochaine arrivée du duc d’Ormond, général irlandais au service de sa majesté catholique. Interpellé sur le motif qui avait conduit plusieurs nobles à quitter leur domicile, il répondit que M. de Pontcallec leur avait affirmé qu’ils allaient tous être transportés au Mississipi. Sur ce bruit universellement répandu, M. de Montlouis se rendit à la grand’messe de sa paroisse, et demanda aux cultivateurs s’ils le défendraient résolument, ainsi que les autres gentilhommes du voisinage, dans le cas où des dragons viendraient les enlever. Les paysans répondirent qu’il pouvait compter sur eux, mais que, si l’on venait jamais chercher M. de Pontcallec pour l’amener pendre, ils le verraient partir avec grande joie, parce que c’était un vrai tyran, et que nul ne bougerait pour lui. M. de Montlouis poussa enfin la sincérité jusqu’à donner l’état d’emploi de quelques mille livres reçues en piastres d’Espagne par lui, M. du Couëdic et M. de Talhouët, afin d’équiper des soldats. Au jour de son arrestation, le matériel d’armement se composait de quarante fusils de chasse et de quatre baïonnettes forgées avec de vieilles faucilles. Mme de Montlouis, qui dépassa son mari dans l’empressement et la précision de ses aveux, fît, sur ses indications, retrouver toute cette ferraille dans le champ où elle avait été enfouie. MM. du Couëdic et de Talhouët complé-