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par la loi anglaise, et entraînait la peine de mort ; ils n’ont toutefois été condamnés que pour manslaughter (assassinat sans préméditation) et à un an ou deux d’emprisonnement. Les juges décidèrent en effet que les témoins de l’arrestation illégale avaient été provoqués au meurtre par la conduite des agens de l’autorité. C’était, disaient-ils, la compassion pour les victimes d’un acte irrégulier et l’horreur qu’inspire aux sujets anglais toute atteinte portée à la liberté individuelle qui avaient égaré le zèle de ces émeutiers au-delà des limites du droit. De tels précédens ont été invoqués en faveur des fenians jugés dernièrement à Manchester pour, avoir tué un policeman. S’il eût été possible en effet de prouver que ces fenians avaient eu connaissance de l’illégalité du mandat, et qu’en délivrant les prisonniers par la force des armes ils avaient obéi à un sentiment de défense contre l’arbitraire, il est très probable qu’ils n’eussent point été condamnés à mort ou du moins qu’ils n’eussent point été exécutés. Dans tous les cas, tout homme arrêté sans mandat ou en vertu d’un mandat dont l’autorité est douteuse peut s’adresser à l’une des cours suprêmes et réclamer son writ of habeas corpus. Si ses objections sont fondées, et si la prise de corps, comme disent les Anglais, n’a pas eu lieu selon les règles de la justice, il est aussitôt mis en liberté.

Dans les campagnes, la personne légalement arrêtée est amenée dans les vingt-quatre heures devant un ou deux juges de paix (court of petty sessions) ; dans les grandes villes, elle comparaît devant un magistrat. Là se passe ce que nos voisins appellent preliminary examination, l’examen préliminaire des faits. On entend les témoins et l’on écrit leur déposition, qui est ensuite signée par eux-mêmes. Le rôle du magistrat dans cette première investigation se borne à décider s’il y a, oui ou non, des charges assez fortes pour donner lieu à un procès. Dans le cas où la conscience du juge n’est pas suffisamment éclairée, mais où néanmoins certaines apparences s’élèvent contre l’accusé, il a le droit de le redemander à huitaine pour prendre le temps de recueillir de nouveaux renseignemens. L’individu soupçonné est alors ou reconduit en prison ou admis à fournir une caution (bail) qui l’oblige à se représenter de lui-même et au jour dit devant la justice. C’est au magistrat qu’il appartient d’accepter ou de refuser cette" dernière faveur, et, pour déterminer un point si délicat, il consulte dans sa sagesse le caractère de l’accusé aussi bien que la nature de l’offense. Avant d’être admis à caution, admitted to bail, il faut d’ailleurs que le prisonnier trouve deux chefs de maison (householders) qui répondent de lui et s’engagent à le ramener devant le tribunal au premier appel de la loi, sous peine d’encourir eux-mêmes une amende fixée d’avance par le juge.