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pour voler des pommes dans son enfance. Même dans l’ordre des preuves qui se rapportent directement à la question, les témoins ne doivent déposer que de ce qu’ils ont vu et non de ce qu’ils ont entendu dire. Dans d’autres pays, la justice a été organisée de manière que le coupable ne puisse échapper au châtiment ; elle a été instituée de telle sorte en Angleterre que l’innocent ne se trouve point exposé à être condamné par méprise. Qu’on ne s’imagine pas néanmoins que ce système judiciaire, un des chefs-d’œuvre de la conscience humaine, se soit formé tout d’une pièce et sans le secours du progrès. De vieux légistes se rappellent encore le temps où la loi anglaise n’accordait point de défenseur à l’accusé. C’est de 1835 à 1836 que, grâce aux efforts de George Lamb, de Sydney Smith et de M. Ewart, le parlement modifia cet usage. La loi passa, quoique la plupart des juges se montrassent alors opposés à la nouvelle mesure. Le vieux principe de la législation anglaise était que le prévenu devait se défendre lui-même.

Lorsque les témoins à charge ont été successivement entendus, le président du tribunal demande aujourd’hui à l’avocat s’il entend appeler à son tour d’autres témoins en faveur de l’accusé. Dans le cas où sa réponse est négative, le conseil, agissant au nom de la couronne ou de la personne qui exerce les poursuites, groupe les faits de la cause dans un discours où il conclut à la condamnation, et le défenseur adresse ensuite la parole au jury. Si au contraire l’audition des témoins à décharge est réclamée, elle a lieu d’après les mêmes règles que nous avons indiquées, c’est-à-dire que chacun d’entre eux est soumis à l’épreuve et à la contre-épreuve d’un examen. Seulement par cette circonstance les tours de parole se trouvent changés, c’est le conseil de la défense qui plaidera d’abord et celui de la partie adverse qui répliquera. Il avait été proposé en 1836 de laisser, comme chez nous, le dernier mot à l’accusé, et beaucoup de jurisconsultes anglais regrettent que cette disposition n’ait point été introduite dans la loi. Quoi qu’il en soit, un procès criminel est chez nos voisins un tournoi d’éloquence dans lequel les deux avocats viennent alternativement rompre des lances et combattent à armes égales. L’un et l’autre s’interdisent d’ailleurs les coups de théâtre, les ornemens parasites et les grands effets déclamatoires. Un bon plaidoyer anglais a tout le caractère d’une démonstration scientifique. Les célébrités du barreau excellent dans l’art de presser les faits et les témoignages pour en extraire les apparences de la certitude. Quand les plaidoiries sont terminées, le président résume les débats et les jurés se consultent entre eux. Très souvent ils arrivent à s’entendre sans quitter la salle ; si pourtant ils ne peuvent tomber d’accord, ils sont conduits dans une chambre où un officier