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remarquer, qu’il y avait en lui du charlatan ; la réputation si brillante qu’il a su se faire parmi ses contemporains reposait autant sur des tentatives hasardeuses et même sur de simples vanteries que sur des travaux d’un mérite réel. Fontenelle, le panégyriste de l’Académie, le complimente avec admiration pour avoir prédit au roi, en présence de toute la cour, la route que devait suivre une comète qu’il n’avait observée qu’une fois ! « C’était, ajoute-t-il, une espèce de destinée pour lui que de faire de pareilles prédictions aux têtes couronnées. » Cet éloge ressemble aujourd’hui à un sarcasme.

En 1664, à Rome, Cassini avait déjà émerveillé la reine Christine en lui traçant « hardiment » sur le globe céleste la route d’une comète dont il venait de faire deux observations ; on comprend qu’il lui suffit de prolonger sur le globe l’arc de cercle qui joignait les deux positions observées. En 1680, à Paris, il y a évidemment progrès. A l’occasion, on le voit s’emparer des idées et même des travaux d’autrui : il s’attribuait volontiers l’honneur d’avoir dirigé la mesure de la terre exécutée par l’abbé Picard. Dans ses recherches théoriques, il suit le plus souvent les erremens consacrés depuis longtemps ; les découvertes de Kepler et de Newton sont pour lui lettre close. « Entraîné, dit Arago, par l’aveugle désir d’attacher son nom à une découverte qui portât sa réputation à la postérité la plus reculée, il proposa inconsidérément de substituer aux orbites elliptiques de Kepler une courbe nouvelle, qui fut nommée la cassinoïde. Le sculpteur à qui l’on doit la belle statue placée dans l’amphithéâtre de l’Observatoire a eu la pensée malheureuse de tracer la cassinoïde sur le carton que Cassini tient à la main. » Quand Roemer découvre la propagation successive de la lumière, Cassini la conteste ; son neveu Maraldi écrit un mémoire contre Roemer, et Fontenelle, le secrétaire de l’Académie, le félicite d’avoir si bien réfuté une erreur séduisante qui allait prévaloir ! On comprend maintenant les véhémens reproches adressés à Cassini par feu M. Biot, qui déclarait en toute occasion que la venue de Cassini en France avait été une calamité pour l’astronomie. Si néanmoins il a joui longtemps d’une réputation universelle, c’est d’abord qu’il avait réellement des qualités brillantes et qu’il étonnait par son vaste savoir ; ensuite il était laborieux, plein de zèle, remuant, il tenait sans cesse en haleine l’attention du public ; il employait des moyens extraordinaires tels que ses gnomons, ses longues lunettes ; il savait faire du bruit autour de la moindre de ses trouvailles, et établir une entière solidarité entre sa gloire et celle du grand roi, dont il se donnait pour mission ostensible d’illustrer le règne. C’est ainsi que se font les réputations.

Quand l’Observatoire fut remis entre les mains de Cassini, l’abbé