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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/817

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Prusse n’a pas été moins heureusement servie par les événemens, comment dans l’ordre politique d’autres circonstances non moins exceptionnelles l’ont rendue si aisément et si complètement victorieuse.

Nous ne ferons que répéter ce que tout le monde sait en disant qu’avant comme après la guerre toute l’action diplomatique de l’Europe, tous les grands incidens de la politique internationale, ont tourné au profit de la Prusse et ont été exploités par elle, sinon toujours avec une parfaite loyauté, au moins avec une habileté extrême. Nous rappellerons de même un fait assez généralement connu en ajoutant que la Prusse se préparait de longue main à cette guerre devenue si heureuse pour elle, et personne ne niera que l’admirable prévoyance, la science profonde d’organisation avec laquelle elle a conduit ses préparatifs, ne méritent une étude sérieuse.

Depuis cinquante ans, les Prussiens n’avaient tiré l’épée que pour aller étouffer les insurrections de Bade et de Dresde ; mais cette longue paix, qui devenait chaque jour plus pesante pour leur aristocratie militaire, humiliée de se voir seule sans services de guerre au milieu des grandes armées de l’Europe, avait été mise à profit par le gouvernement avec une silencieuse persévérance pour être prêt à la première occurrence de guerre qui se présenterait. Les préparatifs avaient été particulièrement poussés avec activité depuis 1850. On se souvient qu’à cette époque la Prusse ne s’était pas trouvée en mesure de répondre à une provocation de l’Autriche, et avait dû faire des concessions dont l’amour-propre national avait souffert. Il y allait de l’honneur d’un peuple et d’un gouvernement militaires à ne pas se retrouver dans cette situation, et de là l’impulsion chaque jour plus vive donnée au grand travail de réorganiser et de fortifier l’armée. Les lois qui la constituaient avaient suffi pour donner d’admirables résultats en 1813, quand le pays était plein de vieux soldats brûlant du désir de rentrer sous le drapeau pour venger leurs affronts ; mais ces mêmes lois, après plus de trente ans de paix, étaient impuissantes à procurer une forte armée avec la rapidité nécessaire de nos jours, où celui qui est le premier prêt à entrer en campagne s’assure par là tant d’avantages. Sans accroître la durée du service en temps de paix, qui est de trois ans, on accrut le temps que les jeunes gens durent passer dans la réserve, et l’on augmenta les cadres. En fait, on ajouta à la force numérique de l’armée régulière au détriment de cette fameuse landwehr qui avait dû son renom à l’élan patriotique de 1813, mais sur l’utilité de laquelle on s’était depuis lors fort refroidi, les chances de l’enthousiasme ne suffisant pas à compenser celles de l’indiscipline.