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d’insinuer adroitement qu’il serait prudent d’évacuer Yokohama. Pour le moment, le taïcoun a une autre concession considérable à obtenir de nous : il nous demande l’abandon des terrains du Gottenyama et des constructions qui s’y élèvent par les soins des ministres étrangers dont elles doivent devenir les résidences. Veut-il ainsi consacrer notre expulsion de la capitale, ou bien, au moment de partir pour Kioto, désire-t-il emporter comme gage de sa fidélité au souverain la preuve d’un triomphe important sur les Européens ? La légation de France ne sort pas encore de terre, mais celle de la Grande-Bretagne est presque terminée. Takemoto reparaît le 28 janvier et met tout en œuvre pour réussir. Il est aidé dans sa tâche par l’opinion publique. Depuis six mois, la presse anglaise blâme sir R. Alkock d’avoir exigé des Japonais l’emplacement du Gottenyama pour la résidence des ministres. On connaît maintenant les souvenirs historiques qui s’y rattachent. C’est sur le Gottenyama que les anciens taïcouns venaient à cheval à la rencontre des princes souverains. Depuis l’abolition de cette coutume, le Gottenyama a été abandonné au peuple ; ce n’est donc pas la noblesse, c’est le peuple japonais en masse qui souffre de cette concession. Ainsi s’explique ce billet trouvé sur un lonine coupable d’attentat contre la personne du ministre Ando : « il leur a abandonné le Gottenyama, c’est comme s’il les autorisait à voler tout l’empire. » Cependant le temps des concessions est passé. Le colonel Neale, intérimaire, ne peut prendre une décision contraire à celle de son prédécesseur. Il rappelle la manière dont sont exécutés les traités : les droits politiques sont lettre morte pour les ministres, obligés de défendre leur vie menacée à Yeddo, les droits commerciaux sont foulés aux pieds ou escamotés par les tracasseries et les difficultés que sèment les autorités locales. Takemoto échoue devant cette inflexibilité, et deux jours après la légation anglaise devient la proie des flammes, sans qu’il soit possible de douter que l’incendie n’ait été allumé par la malveillance, qui se trahit grossièrement par des indices de toute nature.

Le 21 mars 1863, le taïcoun se mettait en route pour la cour du mikado. Quelques jours après, l’escadre anglaise venait demander le supplice des coupables de l’assassinat de Richardson et une indemnité pécuniaire pour les parens des victimes des attentats de juin et de septembre 1862. Le 14, le 18 et le 28 avril, elle adressait aux autorités de Yeddo des ultimatums de même nature, auxquels on-ne répondait que par des fins de non-recevoir. Les coupables étaient des officiers du prince de Satzouma ; ce n’était pas à Yeddo qu’il fallait les chercher. Quant au paiement de l’indemnité, on devait attendre la réponse du taïcoun et la conclusion des affaires pendantes