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demandait en conséquence de reprendre sans aucun délai leur service ordinaire, leur annonçant qu’aussitôt après l’enregistrement pur et simple de la déclaration du 21 novembre, relative, comme on sait, à la perception des deux sous par livre, ils jugeraient eux-mêmes ceux de leurs confrères que a pour des faits graves, il avait cru devoir faire arrêter. » Cette dernière considération avait été réputée décisive auprès des magistrats, parce qu’elle impliquait la mise en liberté inévitable et prochaine des détenus. Cependant tous se trouvèrent d’accord pour repousser l’ouverture qui leur était faite, et de quelque manière qu’on ait jugé la convenance et l’opportunité des démissions, il est impossible de n’être pas pénétré de respect à la lecture de l’arrêté suivant, pris par des magistrats qui sacrifiaient sans hésiter à d’inébranlables convictions leurs intérêts domestiques et leurs plus chères amitiés.


« Nous, fidèles sujets du roi qui tenions précédemment la cour du parlement séant à Rennes, assemblés par ordre de sa majesté au lieu ordinaire des assemblées de ladite cour, délibérant en exécution de ses ordres sur sa déclaration ; considérant que ladite déclaration, loin de rétablir le droit d’opposition des états et la compétence du parlement, enlève tout moyen de réclamer avec succès contre les atteintes qu’on pourrait leur porter, que dans ces circonstances pénibles les motifs qui ont déterminé l’acte de notre démission du 22 mai subsistent dans toute leur force, persistons dans notre acte de démission, en suppliant le seigneur roi de ne pas imputer cette démarche forcée à un défaut de soumission à ses ordres, et avons signé à l’unanimité. »


La résolution réfléchie dont cet acte portait l’empreinte décida le vice-chancèlier Maupeou à relever le gant si fièrement jeté à l’autorité royale. Des lettres patentes, en date des 16 novembre 1765 et 24 janvier 1766, désignèrent douze conseillers d’état et maîtres des requêtes de l’hôtel pour rendre au nom du roi, concurremment avec les magistrats, qui avaient conservé leur siège, la justice à tous les sujets de sa majesté dans le ressort du parlement de Bretagne. Ces douze fonctionnaires reçurent de plus la mission spéciale de se former en chambre criminelle pour parfaire leur procès jusqu’à sentence définitive aux anciens magistrats, dont le transfert dans la citadelle de Saint-Malo fut en même temps décidé. M. de Calonne, ancien procureur-général à Douai, fut désigné pour remplir les mêmes fonctions près la commission criminelle. Doué des plus heureuses qualités de l’esprit, autant que l’esprit est compatible avec le défaut de réflexion et de gravité, ambitieux jusqu’à la rage sous les dehors d’une modération élégante, M. de Calonne n’hésita point