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péri mille fois sous le poids de ce qu’elle a d’insuffisant, d’étroit et de dégradant pour la race humaine, ce ne sont pas les lettres de M. Dupanloup qui la feront disparaître : c’est en lui-même que l’homme trouve l’incessante, la vivante et décisive réfutation d’un système qui détruit l’essence immortelle de son âme et de sa pensée ; mais après tout ces doctrines existent, elles se sont imposées quelquefois à de véritables génies scientifiques enivrés, fascinés par l’étude de la nature. Que peut y faire le sénat, et que va-t-il décider au point de vue pratique ? S’il parvient à trouver quelle doit être la philosophie des professeurs de médecine, dans quelles limites l’observation scientifique doit se mouvoir ; il sera bien habile. Il est à craindre qu’en renvoyant au gouvernement la pétition qu’il a reçue, le sénat ne propose tout simplement au ministre de l’instruction publique une énigme indéchiffrable, à moins que, plus simplement encore, il ne provoque des sévérités disciplinaires qui ne prouveront rien, qui feront tout au plus du matérialisme scientifique une doctrine persécutée. Qui ne voit que de semblables questions échappent entièrement à la juridiction d’une assemblée politique, qu’il ne peut y avoir d’orthodoxie en matière de science ? S’il y a une anomalie, et nous en convenons pour notre part, dans ce fait d’hommes investis du droit d’enseigner, rétribués par l’état et professant des doctrines antipathiques au sentiment de la majorité de leurs concitoyens, cette anomalie n’a qu’un remède : c’est la liberté de l’enseignement, de même que la liberté religieuse, c’est-à-dire la séparation de l’église et de l’état est l’unique remède à cette autre anomalie de la confusion du spirituel et du temporel, plus dangereuse encore pour la religion que pour la société civile. Des discussions comme celle qui va s’ouvrir au sénat ont du moins ce résultat imprévu et utile de faire mûrir ces idées de liberté, d’affranchissement réciproque, qui n’étaient que des utopies il y a quelque temps à peine, et qui commencent à apparaître comme la solution pratique de bien des difficultés, qui font déjà leur chemin, qui en sont à gagner des victoires en Angleterre et jusqu’en Autriche.

Qui eût dit, il y a de cela quelques années, que l’établissement de l’église anglicane serait discuté en plein parlement, que l’abolition de l’église d’Irlande serait le programme d’un parti libéral reconstitué sous la direction de M. Gladstone en face d’un ministère tory présidé par M. Disraeli ? C’est là cependant ce qui vient de se passer. Pendant quelques jours, le parlement anglais a vu se dérouler une de ces belles et fortes discussions où tous les intérêts s’agitent en pleine liberté. Tout ce qu’il y a d’orateurs puissans, M. Gladstone, M. Disraeli, M. Bright, M. Rœbuck, a donné dans ce débat aussi émouvant qu’instructif, car il s’agissait non-seulement de cette éternelle et douloureuse question irlandaise qui est le cauchemar de l’Angleterre, mais encore d’un des intérêts les plus chers à la nation anglaise, l’intérêt protestant. Bien des