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et le quai d’arrivée sont les mêmes pour chaque destination. On comprend dès lors qu’à moins de couper les voies elles-mêmes par des bâtimens latéraux contenant des salles d’attente il faut que les portes de dégagement soient situées à l’arrière des trains, et que les voyageurs fassent un trajet relativement assez long pour gagner les voitures. C’est là l’inconvénient majeur, mais forcé de la gare de l’Ouest. A part ce défaut, auquel on ne pense guère, elle est excellente, large, disposée sur un assez grand espace pour que les manœuvres s’y exécutent toujours avec ponctualité et sécurité, abritée sous d’immenses constructions vitrées qui ont donné l’idée première des halles centrales, surveillée par de nombreux employés qui dirigent le public, maintiennent l’ordre et assurent la régularité du service. Dans toute cette gare du reste, on. sent je ne sais quelle impulsion à la fois ferme et rapide qui semble faire mouvoir tous les employés vers un but déterminé et très nettement défini. Il n’y a là ni lenteur, ni hésitation, et à travers les complications des trains qui s’entre-croisent à chaque minute on reconnaît une activité sérieusement réglée, qui ne s’égare pas en vains efforts, qui ne fait pas de bruit, mais n’en arrive que plus sûrement à une précision mathématique.

La composition des trains, les diverses combinaisons par lesquelles, tout en obéissant à chacune des exigences du service, ils doivent éviter les retards et ne jamais être exposés à aucun accident, incombent au chef du mouvement, fonctionnaire à responsabilité illimitée, fort inconnu du public, qui n’est jamais en rapport avec lui, mais ayant son bureau sur le quai même, afin de pouvoir être prévenu sans délai de tout incident produit sur la voie. Pour être à la hauteur de cette fonction délicate et périlleuse, il faut connaître avec certitude et d’une façon absolument complète non-seulement le chemin, les stations, les embranchemens, mais aussi le matériel qu’on emploie et le personnel auquel on le confie, il faut en outre être doué d’un singulier esprit de prévision pour ne laisser, sur une ligne exceptionnellement chargée de trains, très souvent parcourue par des convois supplémentaires, comme celle de la banlieue, aucune place à la possibilité d’une erreur pouvant entraîner des désastres. Bien des généraux d’armée qui ont remporté des victoires reculeraient devant une pareille tâche, car ici le combat est incessant. On ne sait jamais par où l’ennemi viendra, et si l’on ne perdra pas la bataille. Quand chaque point a été étudié, quand les instructions les plus précises et les plus méticuleuses ont été données, quand les agens les meilleurs ont été choisis, quand tout a été prévu, il reste encore ce que le hasard tient dans sa main. C’est le chef du mouvement qui est réellement l’âme du chemin de fer : pour mettre cette vaste machine en œuvre, le chef de