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démocratique atténuèrent le scandale que cause la violation préméditée des lois chez les peuples dont le sens moral n’est pas encore altéré. A la fin de l’année, Paris avait accepté la nouvelle magistrature ; un an plus tard, les résistances provinciales, unanimes au début, avaient cessé à peu près partout. La Bretagne elle-même montra dans la crise de 1771 une sorte de modération que les scènes du passé ne permettaient pas d’attendre.

Le lit de justice tenu à Versailles pour constituer le nouveau parlement de Paris laissa prévoir à Rennes une mesure d’une portée semblable. M. le duc de Duras, à qui revenait l’honneur du rappel de l’ancien parlement, résigna ses fonctions pour n’avoir pas à le frapper ; il quitta spontanément le commandement d’une province où il s’était concilié des sympathies nombreuses, et l’arrivée du duc de Fitz-James, son successeur, au nom duquel se rattachaient pour la magistrature les plus irritans souvenirs, fut immédiatement suivie de l’enregistrement forcé des édits portant remboursement des offices du parlement de Bretagne et création de trente-six charges de conseillers rémunérés par l’état. Après une protestation dans laquelle la compagnie invoqua la disposition de l’article 23 du contrat d’union, lequel exigeait le consentement préalable des états pour modifier l’organisation judiciaire de la province, tous ses membres rentrèrent dans une retraite dont ils connaissaient le chemin et qu’ils avaient déjà honorée. Le respect public les y suivit comme toujours ; mais le peuple demeura calme, et le palais ne fut pas cette fois déserté par la basoche, comme il l’avait été en 1766. La suppression des épices et l’espérance de monter sur des sièges que l’hérédité ne protégerait plus avaient manifestement concilié la faveur des classes moyennes à l’ensemble des mesures prises par le chancelier Maupeou.

Il fallait s’attendre à des réclamations plus vives de la part des états contre des dispositions incompatibles avec les vieilles institutions aristocratiques dont le parlement formait alors la pierre angulaire. Ces réclamations se produisirent en effet aux états de Morlaix, tenus à la fin de 1772 ; mais le résultat en fut singulièrement amoindri par une querelle longue et confuse engagée entre la noblesse et le tiers sur la forme qu’il conviendrait de donner à ces plaintes adressées au roi. En présence des réclamations de l’assemblée, le duc de Fitz-James, qui assistait à la tenue comme premier commissaire du roi, s’enferma dans un mutisme obstiné, se bornant à répondre aux observations qui lui étaient soumises sur l’incompatibilité manifeste d’une pareille mesure avec le texte de l’acte d’union qu’il avait reçu l’ordre formel de sa majesté d’interdire toute discussion sur cette matière, et suppliant messieurs de la