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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 février 1868.

Il faut attendre la fin de la discussion de la loi sur la presse pour écrire l’histoire de cet épisode de la politique contemporaine. Les auteurs, les préparateurs de cette loi sur les écrits périodiques, ceux qui ont hérissé cette œuvre législative de précautions défiantes, ceux qui ont tissé les mailles du réseau dans lequel ils prétendent contenir l’esprit de la France, ceux qui se sont délectés à comprimer une grande question de développement national sous des artifices de procédure et avec une friandise de criminalistes adonnés à la création et à la combinaison des pénalités, ceux-là n’occuperont point une belle page dans ce chapitre de notre histoire, Ils nous font faire une sotte figure devant les grandes nations du monde qui connaissent les droits de la presse libre et en éprouvent les bienfaits pratiques ; ils étonnent en tout pays les gens d’esprit sur l’état où l’on veut mettre la nation de Descartes, de Pascal, de La Bruyère, de Voltaire, de Beaumarchais, de Mirabeau, de Paul-Louis Courier et de Béranger. Personne ne veut croire que le génie français puisse consentir à être mis en lisière au rang de la Russie ou de l’Espagne. Ceux qui ont fabriqué la loi de la presse ont mal servi l’impulsion généreuse qui anima l’empereur dans son programme du 19 janvier, et n’ont point répondu à l’attente de la France.

Il y a eu là une de ces fautes de tactique qui, commises dans des occasions décisives, ont des conséquences irréparables. Cependant les libéraux ne doivent point considérer ces conséquences comme fâcheuses pour leur cause, elles ne seront contraires qu’aux adversaires de la liberté, elles trahissent en effet leurs craintes et le peu de foi qu’ils ont en eux-mêmes. On le verra par l’opération de la loi sur la presse. Aucune loi ne sera pour le pouvoir plus dangereuse à l’application. À l’exécuter dans son action intimidatrice, le pouvoir s’exposera aux plus grandes