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eux une empreinte qui garderait la trace des moindres linéamens.

La nature n’a pas suivi d’autre marche pour produire la plupart des empreintes fossiles, et cela nous montre non-seulement que le plus grand calme a dû présider aux phénomènes auxquels on les doit, mais que ces phénomènes sont essentiellement limités. Il est clair en effet que ni le milieu des lacs, ni les rivages trop nus ou trop à l’écart des forêts, ni les rivières rapides, n’ont pu donner lieu à des empreintes végétales. Pour que des plantes fossiles aient été conservées, il a fallu qu’il existât des tourbières, des plages heureusement disposées, enfin des eaux douées de propriétés incrustantes ou chargées de substances minérales en dissolution. Ce point de vue exclut presque entièrement les effets attribués si souvent et si gratuitement aux cataclysmes physiques. Des mouvemens violens auraient détruit les débris végétaux au lieu d’en opérer la conservation, et d’ailleurs la science géologique incline légitimement à croire que les révolutions les plus fortes dans la distribution relative des terres et des mers ont été le résultat de causes très lentes, agissant à de longs intervalles ou par des mouvemens insensibles. L’écorce terrestre se trouve actuellement compliquée par des rides, des plissemens et des fractures. Or tout concourt à démontrer que ces grandes inégalités superficielles sont le résultat d’un retrait graduel, d’un affaissement régulier si l’on s’attache à l’ensemble, irrégulier si l’on ne voit que les détails. Ce mouvement, poursuivi de période en période, tend évidemment à rendre de plus en plus sensibles les accidens de la surface de la terre, tout en réduisant le diamètre de celle-ci. Les périodes primitives doivent donc avoir vu le globe dénué à la fois de hautes montagnes et de bassins maritimes profonds ; les eaux, contenues dans des dépressions faiblement creusées, occupaient une plus large surface, et les continens, réduits à de moindres dimensions, ne présentaient que des ondulations d’autant moins accentuées que l’on remonte plus haut dans le passé. Tel est l’exposé de la théorie qui paraît être la plus autorisée, et à laquelle s’adaptent très bien les notions fournies par les plantes.

Les premiers géologues cédaient à une idée préconçue, lorsqu’ils avaient cru retrouver la trace d’un certain nombre de bouleversemens généraux partageant l’histoire du globe en autant de périodes tranchées dont chacune était inaugurée par une création distincte et terminée par une destruction générale. D’une simplicité séduisante, cette théorie avait plu à beaucoup d’esprits pour qui la. régularité du classement semble devoir exister dans les choses de la nature aussi bien que dans les vitrines d’un musée. Il faut y renoncer aujourd’hui. La nature, toujours active, n’a pas eu de temps de sommeil ; la vie, depuis son apparition, a toujours habité la