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multiples, irrécusables, rattachent la végétation actuelle à celle des âges antérieurs ; il faut s’enfoncer très loin dans le passé pour voir les genres que nous avons sous les yeux, comme les bouleaux, les ormes, les peupliers, s’effacer et disparaître ; mais alors ce qui fait la trame et le fond du règne végétal dans le monde entier a également disparu. A la place, nous rencontrons un ensemble de plantes ayant un aspect tout particulier, et nous pénétrons dans l’âge des débuts de la nature organique. Ainsi tout concourt à démontrer que le règne végétal ne s’est ni formé subitement, ni enrichi par des adjonctions périodiques ou accidentelles, mais qu’il a été le résultat d’une évolution lente, complexe, progressive, qui aurait fait sortir les unes des autres les espèces d’un même groupe. Les recherches sont encore trop incomplètes pour qu’on puisse dire comment les types eux-mêmes se sont produits. Devant l’insuffisance des matériaux, la science doit avouer son impuissance, tout en se fiant pour l’avenir sur l’heureux hasard des découvertes.


I

Quelques îles de grandeur inégale, de composition granitique ou schistoïde, couronnées d’un faible relief, disséminées dans une mer immense, tel était l’état de l’Europe durant la plus ancienne des époques de la vie. Cette époque a vu croître les premiers végétaux ; mais le terme initial nous échappe, et il a fallu, pour nous faire connaître une partie des plantes de cet âge, que des circonstances spéciales nous en aient conservé des débris, je veux parler des tourbières gigantesques auxquelles sont dues les houilles, dont les dépôts forment comme une ceinture interrompue sur le flanc des anciennes régions insulaires. Le voisinage de la mer paraît avoir été une des conditions les plus constantes qui aient présidé à la formation des bassins houillers. Cependant les houilles doivent leur origine à des eaux douces ; mais les deux élémens se côtoyaient pour ainsi dire, ils empiétaient même alternativement l’un sur l’autre, et cette alternance n’est singulière qu’au premier abord : elle s’explique aisément quand on va au fond des choses. Les îles primitives, peu élevées au-dessus de la mer ambiante, descendaient jusqu’à elle par une pente insensible, et les houillères constituaient généralement des lagunes protégées par un étroit cordon littoral et recevant les eaux qui s’écoulaient de l’intérieur des terres. Pour expliquer la formation des houilles, il est absolument nécessaire de recourir aux tourbières, les plus modernes de ces officines de combustibles, qui fonctionnent encore sous nos yeux et nous éclairent sur la nature d’un phénomène qui sans elles serait demeuré très obscur. L’existence des tourbières dépend de