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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/336

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amas charbonneux devenus l’objet d’une active exploitation à Fuveau et à Gardanne. Ainsi la partie méridionale du continent crétacé possédait déjà de grands lacs ; le spectacle changeait vers le nord, où l’on observe sur plusieurs points, principalement en Allemagne, des traces de végétaux de la même époque. On les retrouve surtout dans les sables fins qui s’amoncelaient au bord de la mer, au fond de certaines baies où les eaux n’étaient pas trop exposées au mouvement des vagues. Tous ces restes marquent l’existence d’une végétation variée et originale, où les formes les plus diverses se trouvent associées dans un désordre apparent. Des palmiers encore rares et de petite taille, des fougères, des araucarias, des séquoias, des pandanées, se mêlent à des arbres dont nous ne connaissons que les feuilles, mais dont les affinités semblent révéler des formes analogues à nos peupliers, à nos saules, à nos charmes. On a même signalé dernièrement dans le fond de la Moravie de vrais magnolias associés à des noyers. Pour bien saisir les contrastes que présentait alors le règne végétal, il faut se transporter auprès d’Aix-la-Chapelle, où M. le Dr Debey a su réunir les fragmens épars d’un grand nombre de plantes très rapprochées des protéacées du Cap et de l’Australie. Il se trouve donc que l’Europe a possédé autrefois des plantes dont l’image ne s’observe plus qu’à nos antipodes. La Nouvelle-Hollande aurait conservé sans altération des formes végétales que nous avons perdues depuis longtemps. Le continent austral se serait donc arrêté à l’une des phases de l’évolution organique que nous avons traversée. La corrélation des deux règnes montre dans tous les cas combien ils sont solidaires l’un de l’autre, puisque l’Australie, avec une flore archaïque, ne comprend, en fait de mammifères, que des marsupiaux, qui correspondent de leur côté à nos types les plus anciens. Il existe pourtant dans ce parallèle des deux régions une différence essentielle. La présence dans l’Europe crétacée d’une végétation de physionomie australienne n’est pas exclusive. Dans le temps même où croissaient les protéacées d’Aix-la-Chapelle, d’autres végétaux qui semblent les prédécesseurs des nôtres se montraient déjà. Nous avons cité les magnolias et les noyers trouvés en Moravie : des faits analogues se sont présentés en Westphalie et ailleurs, et on en a observé de plus frappans encore dans l’Amérique du Nord, au fond du Nebraska. Peu de temps après l’apparition des végétaux dont l’organisation est la plus élevée, l’Europe possédait deux séries de types juxtaposés destinées plus tard à se partager, pour ainsi dire, les deux hémisphères. Chacune d’elles était sans doute adaptée à des conditions locales assez diverses pour avoir rarement l’occasion de se mêler, toutes deux avaient alors leur raison d’être ; plus tard, mais après bien des vicissitudes, l’une d’elles subit un déclin